LECTURES VAGABONDES

          Cette semaine, je vous emmène dans la France de la fin du moyen-âge, à sa charnière avec la Renaissance. Grâce à Jeanne D’Arc, Charles VII est devenu roi de France et son règne est marqué par sa passion pour Agnès Sorel, dame de la cour d’Isabelle d’Anjou. Cette favorite si belle, surnommée aussi la reine de beauté fait l’objet de ce roman écrit par Jeanne Bourin en 1970, paru aux éditions Presses de la cité. Son titre ? La dame de beauté, pardi !

          Le roi René de Sicile vient de perdre son trône et le voilà de retour en France. Son épouse, Isabelle d’Anjou, possède une cour dans laquelle figure Agnès Sorel, dame de grande beauté. C’est à Toulouse qu’elle rencontre le roi Charles VII qui tombe immédiatement amoureux d’elle. Très vite, la passion est réciproque et les deux jeunes gens deviennent amants. De cette liaison naîtront trois filles : Marie, Charlotte et Jeanne. Cependant, la courte vie d’Agnès Sorel est marquée par plusieurs événements. D’abord, il y a la pleine lumière des fêtes de Châlons où Agnès triomphe par sa beauté.

Mais ensuite, notre héroïne connaîtra des difficultés liées au mauvais caractère de l’intrigant dauphin Louis. Les victimes sont des amis que soutient Agnès Sorel : le sénéchal Pierre de Brézé et l’intendant Jacques Cœur. La dame de beauté se déplacera à Paris pour influer positivement sur le procès qui frappe ses amis. Plus tard, le roi a de nouveau à faire face à une guerre contre les anglais pour reprendre le Maine que ces derniers refusent de quitter. Mais la victoire du roi Charles VII sera bien amère : Agnès décède le 11 février 1450 des suites d’une infection liée à un accouchement difficile ; le roi perd ainsi le plus grand amour de sa vie.

          La dame de beauté n’est certes pas le roman de Jeanne Bourin que je préfère, ni son meilleur, à mon avis. Il pèche, en effet, par un côté trop agiographique. Agnès Sorel y est encensée et n’a que des qualités ! Elle est une femme passionnée, sensuelle, première femme à devenir officiellement la maîtresse du roi au vu et au su de tout le monde. Bien évidemment, elle connaîtra aussi la rançon de la gloire puisqu’elle sera surnommée la putain du roi. En ce sens, Jeanne Bourin met à l’honneur une femme qui n’a pas peur de la chair, du plaisir, de la sensualité à une époque qu’on imagine puritaine et hostile à la liberté des femmes. Peut-on par là affirmer qu’Agnès Sorel serait une des toutes premières féministes ? Je ne suis pas spécialiste de la question, mais c’est sans doute ce que pense Jeanne Bourin et c’est ce fait qui parait l’avoir intéressée.  

Par ailleurs, le roman illustre parfaitement la jonction entre le moyen-âge et la renaissance. Comme au moyen-âge, le roi donne des fêtes somptueuses agrémentées de joutes et de tournois dans lesquels les chevaliers s’affrontent pour l’élue de leur cœur. La religion pèse également beaucoup sur les mentalités moyenâgeuses mais ce fait n’exclut pas la quête du plaisir et des réjouissances matérielles. Beauté et richesse des vêtements, véritables festins d’abondance et de raffinement, appétence pour le sexe et ses plaisirs.                  

     Cependant, la Renaissance est aussi marquée par un goût nouveau pour la poésie et les arts : Agnès Sorel est férue de poésie, de lectures, de musique : en cela, elle est une dame de culture.

          Enfin, la dame de beauté, c’est aussi une histoire d’amour entre Charles VII et sa maîtresse,  Agnès Sorel. La trajectoire de la courte vie de celle-ci est marquée par une ascension fulgurante dont le point culminant est la fête de Châlons où elle triomphe. Vient ensuite une trajectoire descendante où les soucis et les chagrins accablent notre belle dame, jusqu’à sa mort.

          Ainsi donc, la dame de beauté est un roman sans doute moins dense que d’autres émanant de la plume de Jeanne Bourin. Il n’en reste pas moins tout à fait plaisant à lire, et on peut ainsi le qualifier de beau roman, à l’instar de son héroïne, la dame de beauté, Agnès Sorel.