Jean-Claude Lalumière : Ce Mexicain qui venait du Japon et me parlait de l’Auvergne/Tais-toi et va-t’en !
Et c’est reparti pour la tentation d’une lecture liée à un titre farfelu. Jamais je n’ai été emballée par les fakirs qui squattent une armoire Ikéa (voir : L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea de Romain Puertolas) ou par les Wilt qui se tapent des mégères (voir : Le gang des mégères inapprivoisées de Tom Sharp) Avec Ce Mexicain qui venait du Japon et me parlait de l’Auvergne, on reste dans le même genre : tout dans le titre, rien dans le roman. Pas de surprise, donc pour ce roman écrit par Jean-Claude Lalumière et paru en 2016 aux éditions Flammarion.
Benjamin Lechevalier rêve de voyage, raison pour laquelle il accepte de devenir VRP pour promouvoir un espace culturel nommé la Cité de l’air du temps. Au début, il se retrouve à parcourir la France en TGV car c’est son collègue, Petitclerc, qui s’octroie les voyages intéressants. Cependant, Benjamin rencontre, lors de réunions et autres séminaires, une certaine Clara qui lui plait beaucoup. Et puis, voilà que Petitclercq abandonne à Benjamin des déplacements plus intéressants car il a rencontré une femme à Milan et songe à ralentir la cadence pour s’offrir du bon temps. Benjamin voyage donc en Europe, puis dans le monde entier. Cependant, très vite, l’ennui le gagne : des endroits par lesquels il passe le laissent indifférent car il n’a pas le temps de les visiter et ses voyages l’entrainent dans des lieux sans intérêt, standardisés. Cependant, il finit par trouver l’âme sœur lors de ses voyages : elle s’appelle Clara et c’est la femme de ses rêves de VRP.
Avec ce Mexicain qui venait du Japon et me parlait de l’Auvergne, Jean-Claude Lalumière nous offre un roman qui se lit rapidement et s’oublie aussitôt tant il est vide de tout : l’histoire est sans intérêt, et l’humour suggéré par le titre est inexistant. Le récit se contente de trimbaler le lecteur de villes en pays, de pays en continents sans qu’il ne se passe rien car l’intrigue amoureuse se résume à une rencontre et des retrouvailles professionnelles de temps à autre lors d’une manifestation commerciale pour finir par un gros baiser sur la bouche qui laisse présager « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ». Le récit des pérégrinations de Benjamin à travers le monde ne débouche sur aucune intrigue, pas même professionnelle. Sans doute l’auteur a-t-il voulu montrer qu’une vie passée à voyager n’a rien de très épanouissant ni d’enrichissant puisqu’on atterrit dans les mêmes aéroports, les mêmes gares, les mêmes salles de séminaire. D’ailleurs, d’abord enthousiasmé par l’idée de voyager, notre héros est bien vite fatigué et songe à se poser, à laisser sa place à un autre qui éprouvera les mêmes illusions et désillusions.
Au demeurant, le roman propose quelques aphorismes intéressants mais guère exploités. La réflexion sur le monde qui se standardise et sur notre si petite planète qui n’offre plus aucun secret se limite à quelques phrases marquantes :
« La quête de tout voyageur est de partir vers l’inconnu et de se laisser surprendre. là est la différence avec le touriste qui, lui, veut voir ce pour quoi i il est venu ».
« Aujourd’hui, nous ne voyons rien pour la première fois. A de rares exceptions près, nos premières fois sont préparées, conditionnées même, par Google ».
« Ces voyages mènent toujours vers des lieux uniformisés par la mondialisation qui installe un peu partout les mêmes enseignes commerciales. Il faut chercher longtemps pour éprouver le dépaysement dans les centres urbains des pays développés ».
C’est alors que le titre prend toute sa signification : d’abord, il fait référence à la statuette kitsch d’une espagnole à castagnettes made in china, objet que tout le monde possède quelque part dans sa maison ou dans un carton ; et puis, ce fameux Mexicain, Benjamin le croise dans un hall d’aéroport.
Ainsi, ce roman est inabouti. Il traite du désenchantement lié au voyage, constate que les technologies et le progrès tuent l’exotisme et le mystère, égalisent les différences entre les cultures et les pays. Réflexions intéressantes, certes, mais qui n’offrent pas un roman intéressant. L’ensemble est bancal et inabouti. Si bien que ce Mexicain qui venait du Japon et me parlait de l’Auvergne, le lecteur le croise, mais ne le rencontre pas.
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