LECTURES VAGABONDES

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Henri Troyat : Les semailles et les moissons (tome 3) – La grive.

     

  Aujourd’hui, je vais vous présenter le troisième tome d’une des nombreuses grandes sagas écrites par Henri Troyat, saga intitulée Les semailles et des moissons. Après Amélie, voici sa fille, Elisabeth, propulsée héroïne de ce tome intitulé La grive, paru en 1956.

 

          Nous sommes en 1924, dans le café Le Cristal tenu par Amélie et Pierre, à Montmartre – Paris. La petite Elisabeth grandit comme elle peut entre des parents accaparés par la tenue de leur affaire. Il y a aussi Denis, le frère d’Amélie, qui aide au café. Cependant, le jeune homme a une aventure avec Clémentine, la bonne, et Amélie entend bien remettre les choses en ordre, tant elle tient à la réputation de sa famille. De son côté, avec son mari Pierre, toujours autant traumatisé par la guerre qui l’a anéanti, Amélie ne ressent plus de bonheur et rêve d’ouvrir une affaire d’hôtellerie ailleurs, en province. Mais pour l’instant, d’autres soucis l’assaillent. Comme Elisabeth présente une constitution fragile, elle est envoyée à Sainte-Colombe, en pensionnat. Là, elle peine, d’abord, à se faire des amies et erre comme une âme solitaire. Puis elle lie une amitié forte avec Françoise, une autre jeune pensionnaire. Malheureusement, cette relation ne durera pas car Françoise décède d’une pneumonie. Désormais, la petite fille est malheureuse. Personne ne l’aime, croit-elle, ni parmi les pensionnaires, ni parmi les religieuses. De plus, elle rencontre des difficultés scolaires importantes. Fatiguée de tant de solitude, Elisabeth finit par fuguer. C’est alors qu’elle prend froid et doit tenir le lit pendant de longues semaines. Sa mère veille sur elle ainsi que mademoiselle Quercy, la directrice du pensionnat. Guérie, Elisabeth se rend compte que certaines personnes l’aiment quand même, mais pourtant, elle ne reviendra jamais à Sainte-Colombe. En effet, pendant les vacances d’été, elle retourne à La Chapelle-au-Bois, en Corrèze, chez son grand-père, puis à la Jézelou, village tout proche où vivent oncles et cousins instituteurs qui proposent leur aide à Amélie pour combler les lacunes de sa fille. Là, Elisabeth s’épanouit vraiment car elle se lie d’amitié avec Geneviève, sa petite cousine. Et puis, elle connait enfin la chaleur d’une vraie famille. Elle se plait tellement à La Jézelou qu’elle y restera, pour suivre la classe de l’oncle Julien, une classe de garçons. Puis, elle sera enfin acceptée par mademoiselle Héquet, en classe supérieure, chez les filles. Pauvre Elisabeth qui aimait tant la compagnie des garçons !

 

          Ce troisième tome de la saga Les semailles et les moissons s’avère être une suite un peu moins intéressante dans les tribulations de la famille Mazalaigue. En effet, on laisse Amélie, l’héroïne des deux premiers tomes, reléguée au second plan, derrière son comptoir, et on se penche sur l’univers d’une fillette, Elisabeth, la fille d’Amélie, propulsée en première ligne avec ce que les histoires de « petit enfant malheureux » comporte de lénifiant et de cucul-la-praline. On aura ainsi droit à tous les bobos de l’enfance : les disputes, les moqueries, l’école et ses pitreries, les parents et leur bonté ou leur sévérité. Il faut se les enfiler, ces pages qui racontent, par exemple, le vol des minéraux de l’oncle Julien, dans sa classe, par un des élèves !  

          Mais ne soyons pas si sévère. J’ai pris plaisir à la lecture de La grive. Troyat nous plonge, en effet, dans l’univers de l’entre-deux guerres, dans ce quotidien d’époque, et en restitue l’atmosphère. On se demande même par quel miracle l’auteur y parvient ! Juste en évoquant un objet, un meuble, une habitude, aujourd’hui oubliés. Bravo !

          L’auteur nous plonge également dans un milieu modeste mais honnête, plein de bonté et de tendresse. Tous les personnages principaux sont généreux et ont le souci d’autrui.

          Mais La grive, c’est surtout le portrait d’une petite fille qui est, certes, aimée mais manque quand même d’amour, en ce sens que très peu de manifestations de ce sentiment lui sont dévolues. Elisabeth, c’est donc la grive, ce petit oiseau mort, rencontré sur un chemin, en hiver, par elle et son amie Françoise. En effet, la mère d’Elisabeth, Amélie, est trop accaparée par la bonne tenue de son café parisien, Le cristal, et par son époux, Pierre, devenu taciturne et difficilement accessible. Ainsi, Elisabeth est-elle envoyée en pension, puis chez son grand-père Jérôme, puis chez des cousins. Autant, dire qu’elle est ballottée, à droite et à gauche, et qu’elle ne voit que très peu ses parents. La maladie physique qu’elle contracte, une sorte de grosse bronchite, est aussi symptomatique de la maladie de l’âme qui la ronge et qui est dû au manque d’amour.

          Cependant, La grive se découpe assez nettement en deux parties : la première partie raconte la solitude et le désespoir d’Elisabeth ; elle se déroule en hiver, froide et hostile saison, à Sainte-Colombe. La seconde partie se passe à la lumière de l’été, lorsqu’Elisabeth se sent revivre et se révèle être un sacré garçon manqué. La fillette ne manquait que d’un foyer et elle l’a trouvé : chez l’oncle Julien. Discrètement, Elisabeth quitte l’enfance et Henri Troyat évoque ce passage de l’enfance à l’adolescence avec beaucoup de pudeur. Notre héroïne est attirée par Georges, un jeune garçon qui sert à l’épicerie du village. Et puis, dans la classe de garçons qu’elle fréquente pendant un temps, elle aime être l’objet de toutes les attentions de ces futurs messieurs !

          Que deviendra donc Elisabeth ? Une tendre et violente jeune femme. En tout cas, c’est ainsi qu’Henri Troyat nous présente son héroïne du quatrième tome de la saga : Tendre et violente Elisabeth.



23/01/2022
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