Grégoire Delacourt : La femme qui ne vieillissait pas / Le roman du temps qui passe… ou non.
Aujourd’hui, nous allons renouer avec une vieille connaissance sur ce blog. Il s’agit de l’écrivain Grégoire Delacourt. Vieille connaissance pour un roman qui prend pour thème le temps qui passe et le vieillissement. Le titre de ce roman ? La femme qui ne vieillissait pas, édité en 2018 aux éditions Jean-Claude Lattès.
Martine naît dans les années 50 dans une famille du nord de la France. Son enfance n’est pas toute rose car son père fait la guerre d’Algérie et en revient sur une seule jambe (voilà pourquoi on le surnomme Long John Silver) ; quant à sa mère, elle trouve la mort à la sortie d’un cinéma, fauchée par une voiture. Cependant, le père de Martine se remariera avec une certaine Françoise qui a déjà un fils – Michel – fils qui tournera mal. Martine grandit, veut qu’on l’appelle désormais Betty, fait des études de lettres, puis devient institutrice. Elle sa marie avec un ébéniste prénommé André, fils d’agriculteur et menuisier passionné, et conçoit bientôt un fils, Sébastien. Et le temps passe. Tous les ans, Betty se fait photographier dans la même posture par un ami photographe : Fabrice. Elle remarque bientôt que son visage ne bouge pas, ne prend pas une seule ride : Betty ne vieillit pas. Au début, elle se réjouit, mais bientôt, elle se sent déphasée par rapport à son mari, son fils, ses amis. D’ailleurs, André décide de se séparer d’elle et son fils la quitte pour aller vivre avec son père. Pendant quelques années, elle aura un amant régulier : Xavier. Et puis, les amants se font occasionnels et très jeunes. Vers la cinquantaine, Betty est licenciée du travail qu’elle occupait à La Redoute. Elle se reconvertit dans la rénovation de chaises en tapisserie. Et puis, son mari réapparaît dans sa vie. Et puis, son fils épouse une certaine Saga. Et puis, un jour, lorsqu’enfin elle réussit à faire le deuil de sa mère, décédée à l’âge où elle s’est arrêtée de vieillir, Betty-Martine commence à se rider et son visage se retrouve bientôt en concordance avec son âge. Alors, elle peut enfin aller retrouver André, son ex-mari qui vit en Provence et qui lui ouvre les bras.
Avec La femme qui ne vieillissait pas, on retrouve avec bonheur la belle écriture de Grégoire Delacourt. Celle-ci est faite de phrases courtes, dans un style plutôt lapidaire. De l’ensemble émane une impression mélancolique et nostalgique. De fait, en quelques mots, Grégoire Delacourt réussit à faire surgir dans notre mémoire une certaine idée de liberté propre aux années 60-70 et, par le biais de quelques noms de rue, la ville de Lille.
Cependant, et comme dans tous ses romans, la narration suit un rythme rapide – selon le principe du résumé – et l’ensemble laisse une impression de superficialité. De fait, le roman se lit très vite !
Mais parlons maintenant du fond du roman. Il traite du temps qui passe mais comment ce thème est-il traité ?
Tout d’abord, nous avons une première partie où la vie de Martine-Betty est racontée, certes rapidement, mais Grégoire Delacourt y évoque quand même les différentes étapes classiques d’une enfance marquée par la perte d’une mère, l’adolescence, le remariage du père, etc…
Cependant, à partir du moment où elle arrête de vieillir, il n’y a plus d’événements à raconter ; c’est comme si la vie de Martine-Betty s’était arrêtée. Manière de procéder intéressante ! Faire correspondre l’immobilisation du temps avec l’arrêt de tout événement dans une vie ! C’est parlant. Malheureusement, à partir de là, Delacourt ressasse et ressasse l’idée que son héroïne ne vieillit pas, qu’elle n’a pas de rides, contrairement à son amie Odette - qui vieillit - et à son fiancé Fabrice – qui la quitte pour une plus jeune.
Par ailleurs, il n’y a pas de réel questionnement sur la question du temps qui passe. Lorsque le phénomène s’est déclenché et pendant quelques années, Martine-Betty est heureuse. Ne pas vieillir ! C’est le rêve de toutes les femmes (« et/ou homme » pourra-t-on rétorquer à Grégoire Delacourt). Mais au bout de quelques années, le ton change et l’auteur prend le contre-pied de sa position initiale sur la question. Donc, désormais, il rabâche l’idée que « vieillir c’est bien » et que « c’est rester jeune qui est horrible » car on est alors en décalage avec les autres, jeunes comme vieux, membres de la famille comme personnes plus éloignées. Voilà. C’est à peu près tout.
En bref, avec un roman qu’on lit en à peine deux heures, le temps se remet vite en marche et le lecteur passe très vite à autre chose. Pourquoi pas à un autre Delacourt ?
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