Eric Holder : la correspondante / très loin de me correspondre !
Si j'ai été très emballée par Mademoiselle Chambon, ce n'est guère le cas de ce roman d'Eric Holder, la correspondante, écrit en 2000 et paru aux éditions Flammarion. Dans ce livre, l'auteur évoque une histoire d'amour vécue… mais peut-être aurait-il mieux fait de s'abstenir de la publier ! En effet, je n'aimerais guère être à la place de la pauvre Geneviève Bassano…
Le narrateur, Eric Holder, tombe amoureux de ladite Geneviève Bassano, une de ses lectrices fanatiques qui lui envoie des lettres… Il quitte donc sa femme et ses enfants et s'installe plus ou moins chez elle… Geneviève est certes mariée, mais son époux est souvent absent, parti en voyage d'affaire. Très vite, il se rend compte de son erreur. Geneviève ne lui correspond pas : elle aime l'opéra, les expositions, les repas au restaurant avec des amies bibliophiles, bref, elle a des mœurs et une mentalité un peu trop bourgeoises et provinciales pour Eric Holder qui aime surtout vagabonder dans la nature, boire et fumer. Ce dernier retourne donc finalement auprès de sa femme et de ses enfants sans réellement donner d'explications à Geneviève.
J'ai trouvé ce roman ennuyeux et aussi totalement détestable… mais surtout ennuyeux : sans doute de nombreuses pages m'ont-elles échappé car je les ai lues en pensant à autre chose.
En effet, les personnages sont inconsistants. On a du mal à les saisir. Certes, Geneviève est une bourgeoise de province, et sans doute, à travers elle, l'auteur a-t-il voulu se moquer de ces femmes qui se croient savantes, qui se piquent de littérature sans avoir le jugement bien assis : en effet, Geneviève lit aussi bien la poésie de Michaud, que les mémoires sur les grands jours d'Auvergne d'Esprit Fléchier. Cependant, le personnage n'est que trop peu présent dans ce roman consacré essentiellement aux vagabondages d'Holder dans les bois, les prairies et les bistrots. Il se lie également d'amitié avec Stéphane, employé dans un garage de Châteauroux et féru de surf : de nombreux chapitres (d'un roman assez court), sont consacrés à leurs parties de biture, ce qui laisse finalement peu de place à la correspondante et à l'histoire d'amour en elle-même.
Je n'ai pas aimé non plus l'écriture de ce roman : assez alambiquée, et loin de la simplicité de Mademoiselle Chambon. Mais finalement, ce qui me dérange le plus, c'est que toute cette histoire paraît avoir été vécue ! L'auteur y met son nom (des noms !) il y évoque son métier d'écrivain, ses passages à vide, ses frasques d'alcoolique… Je ne suis sans doute pas une de ces moralistes qui pensent que la littérature doit rester pudique sur soi… Certainement pas. Encore faut-il, lorsqu'on le fait, utiliser le ton et les mots justes. En fait, j'ai détesté l'impudeur de cette œuvre-là, car elle touche une femme qui n'a sans doute rien demandé. La désinvolture de la fin est assez révoltante : la relation se termine mal. Geneviève écrit des lettres, elle y évoque la souffrance qu'elle ressent suite à l'abandon d'Eric Holder qui n'hésite pas à employer le mot de « foldingue » pour désigner son ancien amour, une femme avec laquelle il a couché : il me fait penser à ces hommes qui vont voir les prostituées et qui tiennent ensuite sur ces dernières des propos désobligeants. Je me demande bien qui est alors le plus méprisable.
En outre, Eric Holder règle ses comptes avec Geneviève Bassano dans ce roman et le déclare ouvertement dans les dernières pages. Je ne pense pas qu'on puisse écrire un bon roman avec de telles intentions car alors, on s'abaisse au niveau de tous ces gens qui écrivent ce qu'ils ont vécu auprès de telle ou telle célébrité afin de vendre du papier… encore attendent-ils souvent que cette dernière soit décédée pour le faire.
Ce qui est le plus ahurissant, c'est que jamais Eric Holder ne se moque de lui-même, jamais il ne porte de jugement sur son propre comportement… Il écrit de manière que je qualifierai d'assez fanfaronne ses frasques d'alcoolique, il n'a aucun état d'âme lorsqu'il quitte sa femme, pas plus lorsqu'il quitte sa maîtresse : il part, voilà tout. Débrouille-toi. On a peine à croire qu'il agisse sous le coup de l'amour… Amoureux ? Eric Holder ? Peut-être amoureux du whisky, ça, on peut le croire.
Certes, on peut se tromper, quitter une personne pour une autre qui s'avère finalement être un mirage. Entre nous, je trouve qu'Eric Holder fait bien peu de cas de ses deux enfants, car s'il laisse tomber sa femme… il abandonne aussi ses enfants, sans que ça lui fasse souci. Je pense aussi que lorsqu'on quitte une personne pour une autre, il faut le faire proprement, or, ce n'est guère le cas, pour aucune des deux femmes. Ainsi donc, si Geneviève Bassano est une foldingue, Eric Holder est-il un beau salaud, un être sans âme ni conscience, et il n'a même pas la clairvoyance de l'autocritique.
Alors donc, je me demande bien à quoi correspond ce roman… Eric Holder a-t-il voulu écrire une histoire d'amour tragique ? Peut-être, mais alors, je pense qu'il a loupé son coup. En ce qui concerne Geneviève Bassano, c'est peut-être un bien pour elle que ce roman soit raté : ainsi, il ne restera certes pas dans les annales. Pour la consoler, je dirai que bien plus que d'elle, c'est d'Eric Holder lui-même que le roman donne une mauvaise image : l'auteur ne se rend pas compte qu'en l'écrivant, il s'est craché dessus lui-même. En ce qui me concerne, je ferai désormais attention de lire les œuvres fictives d'Eric Holder : elles me paraissent bien plus intéressantes que ses œuvres autobiographiques… qui peinent à trouver le bon ton, qui sont pleines d'une acrimonie mal placée, qui sombrent finalement dans la confusion d'un sujet en tout point mal traité.
A découvrir aussi
- Anna Gavalda : Ensemble, c’est tout /Mauvais, c'est tout
- Adam Thirlwell : Politique / politiquement indigeste et indigent !
- Martin Winckler : Le chœur des femmes/Je ne fais pas chorus !
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 38 autres membres