Elizabeth Gilbert : Mange, prie, aime/On en mange un peu, même si on n’aime pas vraiment
Dire qu’il m’aura fallu découvrir l’Inde, lors d’un premier voyage sur cette magnifique terre, pour lire Mange, prie, aime écrit par Elizabeth Gilbert en 2006 et paru en 2008 en France aux éditions Calmann-Lévy. Il y a 6 ans de ça, une compagne de voyage – en Jordanie, cette fois – m’avait fortement conseillé cette lecture.
En trois parties, Elizabeth Gilbert nous raconte sa quête spirituelle à travers trois pays et trois approches différentes. A la suite d’un divorce difficile et d’une douloureuse rupture sentimentale qu’elle peine à oublier, Elizabeth Gilbert décide de partir vivre quelques mois à Rome pour parfaire sa maitrise de la langue italienne et pour faire l’expérience du plaisir à travers la nourriture si délicieuse dans ce pays. Pendant plusieurs mois, elle visite le pays et déguste ce qu’elle considère comme la meilleure cuisine du monde. Là, sa souffrance s’apaise un peu, mais finalement, elle se rend compte que ce n’est pas dans ce pays qu’elle trouvera ce qu’elle cherche. Comme elle s’adonne déjà au yoga et comme elle est attirée par les religions orientales, elle se rend dans un ashram en Inde pour y effectuer une retraite spirituelle. A force de méditation, elle parvient à lâcher prise et à retrouver une certaine sérénité. Mais alors qu’elle fait vœu de silence, on l’appelle à d’autres fonctions au sein de la communauté : elle qui nettoyait le sol de l’ashram devient hôtesse pour les nouveaux adeptes de la retraite. Et puis, son ami, Richard du Texas, quitte l’endroit. Après avoir trouvé, elle aussi, un maître spirituel – le célèbre Swamiji – après avoir fait l’expérience de l’oubli de soi, elle quitte l’ashram, sa retraite prenant fin. Pour terminer, Elizabeth Gilbert se rend en Indonésie car un sage nommé Ketut Liyer lui a autrefois prédit qu’elle avait quelque chose à vivre sur l’île de Bali. Au départ, notre héroïne se contente de visite à Ketut, le guérisseur ; elle se promène sur l’île ; elle pratique une méditation plus souple et plus joyeuse que celle qu’elle pratiquait dans l’ashram. Et voilà qu’elle rencontre le beau Felipe. Je laisse à Elizabeth Gilbert le soin de tirer elle-même le bilan de sa quête spirituelle : « Depuis ma dernière visite ici, j’ai fait le tour du monde, j’ai réglé mon divorce, j’ai survécu à ma séparation définitive avec David, j’ai évacué de mon organisme toutes les molécules qui altèrent l’humeur, j’ai appris à parler un nouvelle langue, je me suis assise dans la paume de Dieu l’espace que quelques instants, inoubliables, en Inde, j’ai étudié auprès d’un sorcier indonésien et acheté une maison pour une famille qui avait cruellement besoin d’un toit. Je suis heureuse, en bonne santé, et équilibrée. Et oui, je ne peux m’empêcher de remarquer que c’est accompagnée de mon amant brésilien que je gagne cette petite île tropicale.» Elizabeth rentre aux Etats-Unis, mais ce n’est pas parce que Felipe et ses affaires l’appellent au Brésil ou en Australie qu’elle n’envisage pas avec lui une vie commune. Bref, Liz a retrouvé l’amour.
Tant pis pour ma compagne de voyage qui, après avoir lu Mange, prie, aime d’Elizabeth Gilbert, a décidé d’aller passer ses grandes vacances en Italie. Moi, je serai beaucoup moins enthousiaste en ce qui concerne ce roman autobiographique. Car il est vrai qu’Elizabeth Gilbert a vécu tout ce qu’elle raconte dans ce livre : elle a seulement modifié les noms des personnes qui apparaissent dans l’œuvre et qu’elle a rencontrées dans la vraie vie. Cependant, l’ensemble a le goût et l’odeur d’un « roman pour nous les filles » arrangé à la mode autobiographique. En effet, on a ici affaire à une nana en pleine remise en question, qui trouve l’amour après avoir fait les quatre cents coups à droite et à gauche. En plus, la Liz, elle est un peu gauche, un peu neuneu – par exemple, elle parle à Dieu comme à un copain. Avouons que la chose a un goût de déjà vu !
Pourtant, tout n’est pas à jeter dans Mange, prie, aime. Est-ce parce que j’ai lu ce livre à mon retour d’Inde ? En tout cas, la seconde partie, consacrée à l’Inde, m’a intéressée. La spiritualité est inhérente à ce pays, et l’expérience de Liz dans un ashram, absorbée dans la méditation, expérience à laquelle l’auteure ajoute quelques informations sur la religion hindouiste (les sept chakras, l’illumination, les mantras (om nahma shivaya) m’ont donné envie de faire la même chose (même si je sais qu’il y a peu de chances que j’aille un jour faire une retraite dans un ashram). Ceci dit, je reste sceptique quant à l’espèce d’illumination dont Liz aurait fait l’expérience au cours de son séjour à l’ashram… il faut tellement de temps et de pratique assidue du yoga pour arriver à véritablement ressentir l’émotion divine, que je ne suis pas convaincue qu’en quelques semaines de retraite et de méditation intensive, on parvienne à un si beau résultat ! Elle bluffe, la nana !
Enfin, dernier reproche : la construction du roman m’a parue artificielle. Un peu comme l’énergie divine qui monte depuis le coccyx jusqu’à la tête en passant par sept chakras, le livre est composé de trois parties : l’Italie est liée aux plaisirs du corps à travers la nourriture. Vient ensuite l’esprit – dans le sens spirituel – qui est lié à l’Inde et au yoga, à la méditation. Enfin, voilà qu’en Indonésie, on réconcilie les deux puisque dans ce pays, Liz découvre une pratique de la méditation moins austère qu’en Inde, et le plaisir de la chair à travers l’amour qu’elle éprouve pour Felipe… prénom italien, histoire de tout réunir dans cette dernière partie !
Bref, si on excepte la partie consacrée à l’Inde, Mange, prie, aime n’offre qu’un intérêt limité. La troisième partie, celle dans laquelle l’auteure découvre un magnifique équilibre est particulièrement inintéressante. Alors, de ce livre, on mange un peu, mais de là à aimer ! C’est une autre histoire !
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