LECTURES VAGABONDES

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Steve Hely : Comment je suis devenu un écrivain célèbre/Avis d’une critique littéraire pas célèbre

 

          Qui n’a pas rêvé, un jour, de devenir célèbre, adoré, adulé ? Et avoir l’argent qui va avec la célébrité ? Certes, on ne pense pas forcément au métier d’écrivain pour concrétiser ce projet… mais peut-être qu’après avoir lu le roman de Steve Hely : Comment je suis devenu un écrivain célèbre, paru en 2011 aux éditions Sonatine, on prend davantage cette voie en considération ? Voyons cela.

 

          Pete Tarslow est une sorte d’écrivain public : il écrit des CV pour des personnes qui ne maîtrisent pas bien l’anglais. Cependant, il a d’autres ambitions, surtout depuis qu’il est invité au mariage de son ex : Polly. Il veut lui en mettre plein la vue, lui faire regretter leur idylle passée. Il décide de devenir auteur de best-seller, après avoir vu une interview de l’écrivain Preston Brooks dont il est certain d’avoir détecté

l’imposture. C’est ainsi que voit le jour un roman intitulé Cendres dans la tornade, écrit selon les grandes règles de ce qui plait au plus grand nombre : de l’aventure, de l’émotion, des grands sentiments. Mais ce n’est pas parce que le roman est écrit qu’il aura du succès ! Une coïncidence d’événements propulse l’œuvre dans le top des ventes. Alors, Pete commence à se faire connaître, à être invité dans des universités, dans des salons du livre. Mais ce n’est pas pour autant que Polly, lors de son mariage, l’admire ! En effet, Pete Tarslow s’y ridiculise ! Un jour, lors d’une interview télévisée, il confie à la caméra son imposture et celle de tous les écrivains à succès. La polémique fait rage, notamment avec Preston Brooks, l’écrivain à succès. Pete Tarslow  ruine ainsi sa réputation… mais peut-être qu’une carrière de critique littéraire – autre imposture – s’ouvre à notre écrivain ?

 

          Avec ce roman, Steve Hely s’attaque à l’industrie du best-seller et dénonce la supercherie sur laquelle elle repose. Par la même occasion, il n’épargne pas non plus les activités qui gravitent autour de l’écriture : les salons du livre, les critiques littéraires, les ateliers d’écriture, les journalistes de presse écrite ou de télévision… pour ce faire, il imagine des extraits de romans à succès, notamment ceux de Preston Brooks, et insère des extraits dans l’histoire de Pete. Ces extraits mettent en lumière les ficelles thématiques sur lesquelles reposent les best-sellers. Par ailleurs, l’écriture est emphatique et assez indigeste. Parallèlement aux livres qu’il écrit, Preston Brooks est aussi un personnage médiatique qui se plait à être filmé dans la nature, loin du tapage urbain : il cultive une image d’homme authentique qui trouve la source de son équilibre dans l’écriture. Steve Hely s’attache à montrer qu’on vend des écrivains autant que des livres.

           Cependant, si la démarche de Steve Hely est intéressante et amusante, on ne peut s’empêcher de penser qu’il use lui-même des ficelles qu’il dénonce pour écrire son roman. Certes, Steve Hely n’est ni Guillaume Musso, ni Marc Levy et Comment je suis devenu un écrivain à succès ne s’adresse pas à des lecteurs toutes catégories. Steve Hely utilise les ficelles qui plaisent au public plus intello qui aime la satire. En effet, le personnage de Pete Tarslow est un antihéros et ce type de personnage pullule dans ce genre de roman. Ainsi, Comment je suis devenu un écrivain célèbre met en scène un certain Pete Tarslow, personnage de romancier un peu looser, bâti sur le décalage entre ses illusions et la réalité. S’il devient un écrivain célèbre le temps d’un roman, c’est pour épater son ex-petite amie le jour de son mariage. Bien évidemment, il n’épate personne, ce jour-là, et se ridiculise en se saoulant.     

              Bref, dans la vie de Pete, rien ne se passe vraiment comme il le voudrait.

         Par ailleurs, Steve Hely porte sur le monde un regard ironique et désabusé, assez généralement répandu dans ce type d’ouvrage satirique. Rien ne trouve grâce à ses yeux. Le salon du livre ringard perdu au fin-fond du Texas dans une petite ville triste et minable, l’atelier d’écriture où gravite un certain nombre d’étudiants dépressifs sans talent. Ceux qui s’en prennent vraiment plein les narines sont les critiques littéraires considérés comme des sortes de parasites qui s’acharnent sur la création faute de talent. On remercie donc au passage Steve Hely pour sa diatribe, mais on ne la comprend pas vraiment. Voudrait-il vraiment que personne ne parle jamais des livres ? Sont-ils donc une entité sacrée devant laquelle le public devrait s’extasier en restant muet ? Le roman s’achève, certes en pied-de-nez car, une fois le succès de son roman épuisé, Pete Tarslow se met à lire… et à donner son avis sur sa lecture. Ainsi, notre écrivain s’acheminerait-il vers une carrière de critique littéraire dont il maitrise le jargon et dans l’imposture de laquelle il saurait se glisser.

           Finalement, j’ai plutôt apprécié ce roman un peu tarte à la crème, même s’il est un peu longuet et prétentieux. Je me fends d’une critique qui me prend une heure de temps, pour laquelle je ne suis pas payée et qui n’aura que très peu d’échos, vu le nombre misérable de lecteurs qui passe sur ce blog. On ne sait pas si Steve Hely est doté d’un tel désintéressement… Peut-être y a-t-il quand même des gens sincères et passionnés dans ce monde impitoyable des écrivains, des éditeurs, des critiques et des lecteurs ?



06/04/2020
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