LECTURES VAGABONDES

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Diane Brasseur : Les fidélités/Première fidélité à Diane Brasseur

          Voici un premier roman plus que prometteur et c’est sans doute parce qu’il est très court, parce qu’il se lit en un peu plus d’une heure, que j’ai du mal à considérer Les fidélités, écrit par Diane Brasseur en 2014 et publié aux éditions Allary, comme un véritable roman digne d’un coup de cœur. Ainsi, même si j’ai adoré ce livre, cet article paraîtra dans les lectures-plaisirs.

 

          A la veille de Noël, et alors qu’il doit passer les fêtes à New York avec sa femme, sa fille et son père, un homme s’enferme dans son bureau pour prendre une décision : ou quitter sa femme, ou quitter Alix, sa maîtresse, rencontrée il y a exactement un an. Il se souvient de sa rencontre avec elle, il imagine ce qu’elle fait alors qu’il est chez lui, à Marseille, le week-end ; il évoque les rendez-vous et les nuits avec elle, la semaine qu’ils passent ensemble à Paris. Et puis, il y a eu la dernière fois… ou pas. Cette fois-là, il y a eu beaucoup de non-dits entre Alix et lui et lorsqu’il est monté dans le taxi, il ne s’est pas retourné pour regarder la fenêtre de l’appartement de sa maîtresse. Depuis, il est tourmenté par la décision qu’il veut prendre, par le coup de fil qu’il repousse toujours… jusqu’au moment où il est l’heure de partir pour New York, où tout le monde l’attend.

 

            D’abord, j’ai aimé la simplicité limpide de l’écriture. Dans un style dépouillé, Diane Brasseur a su provoquer l’émotion du lecteur, touché par la torture psychologique subie par le narrateur face à un choix quasiment impossible à faire : sacrifier sa vie de famille ou sa maîtresse, Alix.

Certes, le roman est court, mais on peut considérer que, comme dans La modification de Michel butor, l’auteure a voulu coller au temps réel du personnage qui s’enferme dans son bureau pour prendre une décision. Peut-être y est-il resté un peu plus d’une heure ? C’est en tout cas, le temps qu’il faut pour lire Les fidélités.

          Loin de toute mièvrerie, le roman évoque une histoire d’amour passionnée et une autre, plus effacée : celle du narrateur avec sa femme. Alix est le seul personnage nommé ; nous ne connaissons ni le nom du narrateur, ni celui de sa femme. Voilà pourquoi, le lecteur a l’impression qu’il n’y a qu’Alix qui compte pour le narrateur qui observe et évoque avec amour ses moindres faits et gestes, ses petites manies, ses silences et ses paroles. L’amour qu’il éprouve encore pour sa femme est très différent. Il n’est presque pas évoqué ; d’ailleurs, le narrateur peine à faire encore l’amour avec elle et ne dévoile pas son prénom. Cependant, elle est le foyer du narrateur : mère de sa fille, elle s’occupe aussi de son père malade.

          Pourtant, dans ce combat de la raison face à la passion, il semble bien que ce soit la raison qui l’emporte. Si le narrateur ne pense qu’à sa maîtresse, Alix, si elle occupe la majeure partie de ces pages, la fin laisse supposer que le choix qu’il fera sera en faveur de sa femme. En effet, le narrateur ne s’est pas retourné sur sa maîtresse lorsqu’il l’a quittée ; il ajourne le coup de fil qui devrait annoncer qu’il va rester passer les fêtes – et le reste de sa vie – auprès d’Alix ; finalement, il laisse le temps décider pour lui : le taxi qui doit l’emmener, lui et sa famille, à New York, est arrivé ; il est temps de partir et donc, plus temps de téléphoner. Ce choix n’est pas clairement établi par l’auteure qui laisse planer le doute en refermant son roman sur la première rencontre d’Alix et du narrateur, un an auparavant ; cette rencontre laissait présager tant de bonheur ! Mais nous sommes un an plus tard et il semble bien que le narrateur soit parti avec sa femme et sa famille, laissant Alix dans le désespoir.

          Alors voici le moment de refermer cet article sur un roman impeccable, tant dans la forme que dans le fond. Toute la richesse de l’œuvre réside dans l’ambiguïté du non-dit, le sous-entendu, plus fort que la parole, plus fort que les mots. C’est quand même un tour de force que d’écrire un roman qui laisse la part la plus importante à ce qui se trame dessous à savoir la lâcheté de l’homme marié qui, même s’il aime ailleurs, ne peut se résoudre à briser son foyer. Sa décision ne rendra personne heureux, mais c’est celle que tant d’hommes mariés prennent !

          Le seul bémol que je pourrai souligner, c’est qu’on sent que ce roman a été écrit par une femme : il est empreint d’une sensibilité et d’une approche de l’amour toute féminine. C’est un peu gênant, car le narrateur est un homme ! Je ne suis pas convaincu qu’un écrivain aurait abordé ce thème de la décision de manière aussi déchirante. Il me semble que les hommes sont beaucoup plus cyniques. Mais peut-être que je me trompe ?



14/03/2021
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