David Lodge : la vie en sourdine /un livre qui fait écho.
Si j’ai choisi ce livre à la bibliothèque, c’est qu’il promettait de se situer dans la continuation du très truculent Thérapie. J’avoue que si la promesse ne s’avère pas fausse, ce roman, la vie ne sourdine, paru en 2008 aux éditons Rivages est nettement moins drôle et moins enlevé que Thérapie.
L’œuvre se présente comme le journal intime de Desmond, journal qui s’étale du 1er Novembre 2006 au 8 Mars 2007. Cependant, l’ensemble se concentre autour de plusieurs centres d’intérêt dont chacun trouvera son dénouement dans les dernières pages.
Tout d’abord, quelques mots du héros : Desmond. Il a une particularité : il est sourd et très mal dégourdi lorsqu’il s’agit de faire fonctionner les piles de son sonotone. Sa surdité le place dans des situations délicates, souvent cocasses. Un jour, Desmond rencontre une jolie blonde - Alex Loom – qui souhaiterait que notre héros l’aide dans ses recherches et sa thèse sur les lettres de suicidés. Il faut dire que Desmond a tout son temps pour ce genre d’activité : c’est un professeur de linguistique à la retraite. Il se laissera embarquer par la charmante Alex qui ne tardera pas à devenir envahissante et provocatrice. Mais dans quelle galère le pauvre Desmond, marié à la dynamique Fred, conceptrice en décoration, est-il donc allé se fourrer ?
Le second fil directeur de l’œuvre, ce sont les relations de Desmond avec son père, atteint de sénilité. Ce dernier vit néanmoins encore en autonomie dans son appartement alors qu’il n’est plus capable de l’entretenir tout seul. Desmond cherche à tout prix à convaincre son père de venir habiter près de chez lui dans un institut spécialisé pour les personnes âgées. Ce dernier refuse.
La vie en sourdine, c’est donc une tranche de la vie d’un professeur sourdingue en retraite qui louvoie entre un père vieillissant, une étudiante foldingue, et une épouse très hype. L’ensemble ne manque pas d’humour et se lit plutôt facilement. Cependant, il y a des longueurs : Desmond s’attarde vraiment beaucoup sur les malentendus qui peuvent résulter de sa surdité : là réside le principal ressort comique de l’œuvre. Cependant, l’ensemble vire progressivement au tragique lorsque, vers la fin, les masques tombent : non, il ne s’agit pas de faire rire le lecteur avec les désarrois d’un type un peu dur de la feuille, il s’agit plutôt d’évoquer le processus tragique du vieillissement qui nous attend tous au tournant, un de ces quatre matins.
A la fin de l’hiver, Desmond se rend en Pologne pour une série de conférences linguistiques ; il en profite pour visiter Auschwitz. Et c’est sous cette lumière triste et pesante que se dénouera le roman : le père de Desmond meurt, Alex disparaît dans des circonstances étranges qui en disent long sur la tristesse et la solitude d’une vie déséquilibrée. Voilà donc que le silence tombe sur les différents pans de la vie de Desmond. Silence tragique, à l’instar de celui qui pèse sur Auschwitz.
Ainsi, si le roman - la vie en sourdine - est loin d’être aussi déjanté que Thérapie, il est s ans doute plus grave et plus poignant. Etre plongé dans le silence, communiquer avec le monde et les autres de manière faussée et souvent pénible… s’il n’y a pas de quoi se suicider, il y a de quoi réfléchir sur le vieillissement et la dégradation de nos sens.
Je terminerai en disant que ce roman est aussi bien un témoignage qu’un roman, puisque David Lodge est lui-même atteint de surdité : voilà qui rajoute à l’ensemble une touche poignante d’authenticité.
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