LECTURES VAGABONDES

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David Foënkinos : Le mystère Henri Pick / Un mystère joliment dévoilé

           

    C’est avec joie que je retrouve David Foënkinos pour un roman qui commence un peu à dater et qui, d’ores et déjà, a été adapté au cinéma. David Foënkinos fait paraître Le mystère Henri Pick en 2016 aux éditions Gallimard, comme d’habitude.

 

                Tout commence avec une idée originale de l’écrivain Richard Brautigan en 1971 : créer une bibliothèque des livres refusés par toutes les maisons d’édition. L’idée séduit Jean-Pierre Gourvec qui ouvre dans la bibliothèque de Crozon, en Bretagne, un espace destiné aux œuvres laissées pour compte. A sa mort, l’endroit commence à péricliter car la bibliothécaire, Magali, est assez peu motivée par la chose. Mais, un jour, une éditrice de chez Grasset, Delphine Despero, et son mari, l’écrivain si souvent refusé Frédéric Koskas, débarquent au Crozon, et découvrent, dans la bibliothèque des refusés, un roman qu’ils trouvent génial : Les dernières heures d’une histoire d’amour du pizzaïolo Henri Pick. Sa veuve, Madeleine Pick, est très étonnée : son mari n’a jamais lu, ni écrit quoique ce soit dans sa vie. Pourtant, l’histoire racontée par le roman ressemble à celle qu’ils ont vécue lorsqu’ils avaient 17 ans : ils avaient alors momentanément rompu. Cependant, un jour, Joséphine, la fille de Madeleine, trouve dans le grenier une œuvre de Pouchkine – dont il est question dans son roman – Eugène Onéguine. Aussitôt, tous ont la certitude qu’Henri Pick se cachait pour écrire et que personne n’a jamais été au courant de ses activités de romancier. Ainsi, Delphine publie le roman d’Henri Pick aux éditions Grasset et l’œuvre obtient aussitôt du succès… davantage, d’ailleurs, à cause de sa genèse si originale. Par la suite, Madeleine et Joséphine se font connaître du grand public suite à leur participation à l’émission littéraire de François Busnel et cette célébrité bouleverse leur vie. Celle de Joséphine, tout d’abord, qui voit son ex-mari, Marc, revenir vers elle pour découvrir, quelques temps plus tard, que ce retour était intéressé. Quant à Magali, la bibliothécaire, elle rencontre un jeune poète, Jérémie, curieux de découvrir la bibliothèque des refusés ; malgré l’écart d’âge, une histoire passionnée naît entre eux. Ils finissent par avoir des projets de vie commune, mais c’est finalement avec son mari José qu’elle décide de partir en vacances. Entre temps, un ancien journaliste au Figaro Littéraire : Jean-Michel Rouche débarque à Crozon. Celui-ci est persuadé qu’Henri Pick n’est pas l’auteur du roman à succès : Les dernières heures d’une histoire d’amour. Son enquête l’amène à rencontrer Joséphine. Pendant, un certain temps, il pense que c’est Gourvec l’auteur du roman. Il va même jusqu’à rencontrer sa veuve, Marina, qui est persuadée que Gourvec s’est inspiré de leur brève histoire d’amour pour écrire son roman. Au moment où Joséphine lui demande de taire sa découverte afin de leur permettre de continuer à toucher les droits d’auteur, Rouche comprend que commence-là, pour lui, une nouvelle histoire d’amour. Cependant, l’épilogue comprend un rebondissement. Alors que Delphine est enceinte, elle et Frédéric entament une nouvelle vie, bien loin des agitations littéraires. Ils décident d’enfouir la supercherie dont ils sont les responsables : c’est Frédéric qui a écrit le roman et ensemble, ils ont décidé d’un scénario pour sa publication : c’est par ce subterfuge que le couple a l’intention de faire décoller la carrière d’écrivain de Frédéric. Pour ce faire, l’homme a écrit un autre roman intitulé : L’homme qui dit la vérité, roman dans lequel il révèle des dessous de la publication de Les dernières heures d’une histoire d’amour. Mais devant le refus de Delphine face à l’idée d’une publication de la vérité, il décide de venir travailler avec Magali à la bibliothèque de Crozon dans laquelle il enfouit L’homme qui dit la vérité.

 

                Avec Le mystère Henri Pick, David Foënkinos renoue avec l’inspiration de ses débuts, à savoir une intrigue basée sur des chassés-croisés amoureux. Cependant, il fait aussi preuve de davantage de maturité dans ce roman puisque Le mystère Henri Pick contient également une satire des milieux littéraires, particulièrement de celui du monde de l’édition et des médias.  

                En effet, le roman montre très bien que le succès d’un roman n’est pas forcément lié au talent de l’écrivain qui l’a écrit. L’affaire du roman refusé qu’Henri Pick aurait écrit en est la révélation : un manuscrit génial a été trouvé mais malgré tout, il a été refusé par toutes les maisons d’édition. Ce qui fera son succès, c’est l’épopée qui accompagnera sa parution aux éditions Grasset, puisque ce roman a été écrit par un inconnu qui faisait office de pizzaïolo dans une pizzeria et qui a été tiré par miracle du néant de la bibliothèque des refusés où il croupissait depuis des années. Pour étayer ce fait, Foënkinos cite le cas de Marcel Proust : refusé en son temps par toutes les maisons d’édition, il a finalement été publié chez Grasset à compte d’auteur. Le clin d’œil de Foënkinos est d’autant plus malicieux que lui-même a été refusé à ses débuts par la maison d’édition Grasset et accepté chez Gallimard, l’inverse s’étant produit dans le cas de Proust. Fidèle à son goût des chassés-croisés, Foënkinos s’amuse à entremêler leurs destins d’écrivain. En réalité, en ce qui concerne le roman de Pick, il n’est qu’un canular imaginé par une éditrice pour pousser son mari vers la reconnaissance des lecteurs, lui qui n’est encore qu’un obscur écrivain qui peine à éclore. Il montre ainsi que le milieu de l’édition repose sur le business et non pas sur l’art !

                Ce qui est particulièrement réjouissant, dans ce roman, c’est qu’il mélange de manière audacieuse fiction et réalité. Ainsi, le cas réel de Proust est-il mis en abyme avec celui, fictif, d’Henri Pick. On peut tout aussi bien croiser le très médiatique François Busnel et le tout à fait fictif critique littéraire Rouche.

                Enfin, on retrouve ici le principe des chassés-croisés amoureux qui avaient fait le succès d’En cas de bonheur, par exemple. Le roman de Pick – Les dernières heures d’une histoire d’amour – raconte, comme le titre l’indique, la fin d’une relation amoureuse. Cependant, l’histoire racontée est suffisamment universelle pour que tous les personnages du roman y retrouvent leurs propres histoires amoureuses. Par ailleurs, tous les personnages se situent soit au début, soit à la fin d’une histoire d’amour, sérieuse ou non. Bref, les démêles sentimentaux des uns et des autres s’entremêlent avec espièglerie et mettent en relation la littérature et la vie réelle.

                Avec Le mystère Henri Pick, Foënkinos nous réjouit. Il revient à son meilleur niveau, lui qui m’avait déçue avec La tête de l’emploi, par exemple. Il faudra que je lise, bientôt, Charlotte, ce roman qui lui a valu le Renaudot et que j’ai boudé, de manière totalement inexplicable.



04/09/2024
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