LECTURES VAGABONDES

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David Bergen : La mécanique du bonheur / Mécanique bien huilée

 

 

          Je ne sais pas si le bonheur obéit à une mécanique, mais en tout cas, l’écrivain David Bergen le croit et lance le débat avec ce bien sympathique roman intitulé La mécanique du bonheur, paru en 2013 aux éditions Albin Michel.

 

          Rien ne va plus pour Morris Schutt, 51 ans, chroniqueur dans un journal à Winnipeg, Canada, depuis que son fils Martin a trouvé la mort en Afghanistan. Il décide donc de prendre du recul par rapport à son travail, tandis que son épouse, Lucille, le quitte pour un autre. Afin de soulager sa douleur, Morris tente plusieurs choses : il se lance dans une correspondance à distance avec une certaine Ursula qui a elle-même perdu son fils en Irak ; il va voir un thérapeute, le docteur G ; il participe à un groupe de parole dans lequel il rencontre Mervine qui vient de rompre avec sa femme et qui devient un confident ; il entame une liaison avec Leah, une jeune escort-girl qui a connu son fils Martin. Cependant, rien de tout cela ne mène à grand-chose et Morris se retrouve à écrire des lettres de menace au ministre dont il pointe l’indifférence par rapport aux soldats américains envoyés en guerre à droite et à gauche. A cause de ces lettres, il est approché par la police et manque de commettre l’irréparable alors qu’il est en possession du révolver d’Ursula. Mais les choses, tout à coup, s’apaisent : avec son épouse Lucille, il y a de la réconciliation dans l’air. Ensemble – ainsi qu’avec leurs deux filles, Libby et Meredith – ils s’engagent sur la voie du pardon envers Tyler, le jeune soldat qui a involontairement et accidentellement tué Martin. Morris sent alors qu’il a encore des choses à vivre et c’est avec sa famille qu’il se rend à la cérémonie d’hommage national aux soldats morts à la guerre.

 

          La mécanique du bonheur est un roman sur la cassure et le deuil. Comment se remettre de la mort d’un fils tué accidentellement alors qu’il œuvre dans un lointain pays en guerre en tant que soldat ? Comment surmonter les conséquences désastreuses de cette perte ? Notamment la séparation d’avec une épouse qui encaisse le deuil de son fils de son côté, seule. Y-a-t-il une mécanique du bonheur ? Un processus inéluctable et naturel qui pousse l’être humain à rechercher l’apaisement, puis à le trouver ? Alors qu’on touche le fond, on finit par rebondir : c’est à ce cheminement de la chute et de la rédemption qu’obéit la mécanique du bonheur proposée dans le roman.  

          On appréciera le ton à la fois tragique et comique du roman. L’ensemble est baigné d’une ironie légère. Par exemple, Morris Schutt voudrait aider l’escort-girl Leah à sortir de la prostitution mais il ne se rend pas compte que c’est lui qui a besoin d’aide. D’ailleurs, elle se fout bien de se sortir de la prostitution qui est une source de revenu facile. Un jour, il la croise dans un café alors qu’elle est avec un client. Visiblement, elle n’a aucunement besoin de Morris et ne souffre pas de son travail d’escort-girl. Cette activité a même l’air de lui plaire.

          Par ailleurs, le roman propose le portrait d’un homme en perdition. Ce portrait est à la fois triste et émouvant mais aussi parfois grotesque. Ce qui l’apaise, c’est le sexe et il se noie dans la consommation de prostituées et d’escort-girls alors que ce dont il aurait surtout besoin, ce serait de retisser des liens avec autrui. Ce qui est pointé ici du doigt, c’est l’impossible partage réel de la peine et de la douleur, du deuil. Avec Ursula, compagne numérique qui a vécu la même tragédie de la perte d’un fils dans un lointain territoire en guerre, la relation ne prend pas. Et puis, sa femme le quitte car chacun vit le deuil de son côté et ensemble ils n’arrivent pas à faire face à ce deuil. Pourtant, c’est bien de sa famille dont Morris a besoin et la rédemption de Morris se fera grâce à la réparation du tissu familial rompu par le deuil.

          Alors certes, le roman de David Bergen ne brille pas par son originalité : combien existe-t-il de romans qui traitent du thème du deuil, de la rupture, de la résilience et de la rédemption ? Une multitude ! et nombreux sont ceux qui sont bien ennuyeux et déprimants. Dans ce palmarès, La mécanique du bonheur fait assez bonne figure.  

 



07/03/2021
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