LECTURES VAGABONDES

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Constance Debré : Play-Boy/Jeux d’identité

           

               Non, Constance Debré n’a rien à voir avec le magazine Play-Boy. Et le titre de son premier roman, Play-Boy, non plus. Du moins, je le suppute et le pense tout à fait. Jeune romancière – ou autobiographe – Constance Debré fait paraître en 2018 Play boy aux éditions Stock.

 

              La narratrice – on ne sait jusqu’à quel point elle ressemble à l’auteure, Constance Debré – a été mariée à Laurent, a un fils prénommé Antoine, des origines « snobs » - noblesse oblige du côté de la mère – et friquées ; elle a aussi un métier : avocate. Un jour, elle rencontre la mère d’un de ses clients - une femme plus âgée qu’elle prénommé Agnès – et connait sa première relation homosexuelle. Les deux femmes se fréquenteront longtemps avant de coucher ensemble. Mais Agnès a des amants, elle appartient à la petite bourgeoisie, classe sociale que la narratrice exècre car trop matérialiste et attachée aux apparences. En effet, Agnès refuse de vivre l’amour lesbien au grand jour : elle finit par dégoûter la narratrice. Lorsque celle-ci rencontre Albert – si, si, c’est une fille ! – elle tombe amoureuse d’elle et rompt avec Agnès. Albert est la fille d’un ami de son père – Henry – et est amoureuse depuis toujours de la narratrice. Cependant, leur amour dérive vers le sado-masochisme, l’utilisation d’accessoires. À cette époque, la narratrice cesse son activité professionnelle, se heurte à son père et à son époux qui voient d’un très mauvais œil ses relations lesbiennes, se tatoue de plus en plus. Si elle aime les femmes, elle les méprise un peu aussi et se rend compte qu’elle jette sur elles un regard d’homme. Après sa rupture avec Albert, elle renoue pour un certain temps avec Agnès, avant de décider de poursuivre sa vie, bêtement, avec d’autres femmes qui ne lui apporteront rien de plus que celles qu’elle a déjà connues.

 

              « Play-Boy, encore un roman sur l’homosexualité ! » me direz-vous. Aussi me le suis-je dit en empruntant ce roman à la bibliothèque. Mais en même temps, je le savais car le titre et la photo sur la couverture sont explicites. Par ailleurs, le roman démarre par des phrases chocs qui expliquent comment la narratrice a roulé sa première pelle à une femme. Enfin, même si le thème de l'homosexualité est à la mode, lu et relu, Play-Boy aborde le thème de l'homosexualité féminine, nettement moins mis en avant dans notre société, tant il est vrai qu'en ce domaine, la parole des hommes est largement prépondérante. 

              Certes, le roman donne aussi une impression de déjà lu dans son style et les phrases composent une petite musique déjà entendue : une écriture lapidaire, des phrases courtes, l'utilisation systématique du présent, et parfois, de longues énumérations qui donnent l'impression d'un long monologue intérieur basé sur de l'écriture automatique. De fait, le roman évolue selon un va-et-vient entre la poésie du désir et la vulgarité liée à l’expression du quotidien, de la vie de tous les jours et son anti-poésie. Alors certes, j'aime ce style d'écriture, mais à la fin, c’est un peu saoulant ; heureusement, le roman n’est pas long.

              Hormis les aventures lesbiennes et sexuelles de la narratrice, le roman livre aussi quelques réflexions sur ses origines snobs, sur ses parents camés : sa mère est morte d'une overdose, son père est en pleine décrépitude. Elle évoque aussi des connaissances masculines, des clients, son mari, qui est son double, auquel elle ressemble. A travers tous ces cheminements amoureux, familiaux ou amicaux, on sent le mal-être de la narratrice en ce qui concerne son identité : elle est un « garçon manqué », avec ce que l'expression comporte comme échec dans l'adjectif. Ainsi, la narratrice se fait tatouer, elle s’habille comme un garçon... mais cette dominante masculine en elle va plus loin.

              En effet, la narratrice ne peut s'empêcher de jeter un regard masculin sur les femmes. Elle ne se sent pas « fille » ; c’est là le terme qu’elle utilise, évitant - sciemment ? – celui de « femme » comme si elle déniait aux femmes, un statut adulte. Elles sont des « filles », pas des « femmes ». Par ailleurs, elle méprise un peu les femmes et leurs préoccupations matérielles : la beauté, les enfants, les petites histoires et les petits potins.

              Ainsi, j'ai bien aimé ce premier roman de Constance Debré, intitulé Play-Boy, même si je me sens assez peu concernée par les garçons manqués et les lesbiennes. Par ailleurs, ce roman est très court – lu en 1 heure 20 - et sera donc idéal pour les voyages en métro. Mais pour une vraie séance de lecture, il est un peu léger.



25/09/2022
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