LECTURES VAGABONDES

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Christophe Ono-dit-Biot : Plonger/Plongeon dans la pataugeoire.

          Quoi de plus fascinant que le monde sous-marin ? J’ai eu l’occasion de le découvrir en 2013 lors d’un voyage en Egypte, au bord de la mer rouge. 2013, c’est aussi l’année où Christophe Ono-dit-Biot fait paraître son roman, intitulé Plonger, aux éditions Gallimard.

 

          Le narrateur, César, raconte l’histoire d’amour qui l’a lié à Paz, sa défunte épouse et mère d’Hector, son fils, à qui il dédie ce livre qu’il écrit afin que la mémoire de cette dernière ne meure pas. César rencontre donc Paz dans une épicerie parisienne alors qu’elle venait pour acheter des bombes dépoussiérantes. En effet, Paz est photographe et très vite, César parvient à entrer en contact avec elle, lors d’une exposition de photos ; César, journaliste, saute sur l’occasion pour écrire, à propos des clichés de Paz, un article qui lance la carrière et la renommée de celle-ci. Pour autant, les premiers rapports sont conflictuels : Paz photographie des plages, l’été, et César y voit un hymne à la vie,

ce qui est un contresens – Paz n’aime que la solitude et les endroits déserts.

Ainsi, la carrière de la jeune femme est lancée sur un malentendu. C’est en Espagne, dans les Asturies, où César a suivi la jeune femme qui y a ses origines, qu’une histoire d’amour se lie entre eux. Mais très vite, leurs rapports deviennent difficiles : César refuse d’aller ailleurs qu’en Europe car il a vécu le tsunami en Thaïlande puis un bref épisode d’enlèvement à Beyrouth ; désormais, il voit le danger partout dans le monde ; cependant, Paz s’ennuie et étouffe dans cette vieille Europe. Lorsqu’elle tombe enceinte, elle est furieuse car elle considère que César l’a bernée en lui dérobant sa pilule. Un enfant nait ; il s’appellera Hector. Mais Paz semble se désintéresser de son fils, de son mari. Elle a adopté un requin-marteau, Nour, et ne pense qu’au monde sous-marin. Elle finit par quitter César pour se rendre en Arabie. Là, César perd le fil de la vie de son épouse. Que fait-elle là-bas ? Reviendra-t-elle ou son départ est-il définitif ? Alors qu’il apprend la mort de Paz, César se rend en Arabie, à Abu Nuwas, sur les traces de sa défunte épouse. Là, il apprend par son amie, Kim, que Paz a laissé tomber la photo pour se consacrer à la peinture ; elle a aussi changé d’identité - elle se prénomme désormais Dolorès - mais surtout, elle a rencontré Marin, un jeune homme avec lequel elle correspondait, lorsqu’elle vivait en Europe et qui s’occupe de la protection des requins. César rencontre le jeune homme à l’occasion d’un baptême de plongée. Lorsque Marin découvre la véritable identité de César et ses liens avec Paz-Dolorès, il l’emmène sur les traces des requins. La mort de Paz est mystérieuse, mais reste accidentelle : elle s’est noyée. C’est dans la mer que César disperse les cendres de Paz.

 

           Avec Plonger, Christophe Ono-dit-Biot nous « plonge », - c’est le cas de le dire – dans une belle histoire d’amour impossible, électrique, mise en valeur par une écriture magnétique. On retrouve ce genre d’histoire d’amour dans 37.2 le matin de Djian, ou encore dans l’été meurtrier de Japrisot. Cependant, si ces romans parviennent à faire oublier que la base de leur scénario repose sur un poncif éculé (à savoir : Il l’aime à la folie mais elle lui échappe car elle est une artiste à l’âme mystérieusement torturée et inadaptée à la médiocrité du monde des humains, tout à la recherche qu’elle est d’un inaccessible absolu), ce n’est pas vraiment le cas pour Plonger. En effet, là où on retrouve une Betty qui cherche le nirvana dans tout ce qu’elle ne peut pas avoir (37.2 le matin de Djian) ou une Elle (Elyane) obsédée par la quête de ses origines (l’été meurtrier de Japrisot), on se trouve face à une Paz qui cherche l’absolu dans les fonds marins, à la découverte des requins !  Un peu barré et baroque, cette idée ! D’où vient-elle ? On ne le sait pas vraiment car Paz reste une femme mystérieuse, belle et marginale. Son rejet du monde, des autres, trouve son expression dans une irrésistible attirance vers les fonds-marins, territoire vierge et sauvage, là où le monde des hommes n’existe pas.

          Ceci dit, le choix de cet univers sous-marin comme expression de la recherche d’un domaine indompté par l’homme, en totale rupture avec le monde civilisé, fait parfois rire, tant il nous rappelle de fabuleux nanards (ou presque) dans le style des dents de la mer. A moins que la séduisante Paz ne se prenne pour le Jacques Mayolle du grand bleu ?

Par ailleurs, j’ai été assez vite insupportée par l’évocation de ce couple « bobo » formé par le journaliste César et l’artiste photographe Paz. Bien sûr, l’un et l’autre côtoient le monde de l’art, un monde confiné et étouffant, plein de petits cancans et de médiocrité – d’où la volonté de le fuir, exprimée par Paz. Pourtant, c’est aussi là qu’on respire, parfois, devant une œuvre d’art qui interpelle particulièrement. Ces « bobos-là » ont un esprit tellement supérieur et tellement sensible qu’ils rêvent (et assouvissent le rêve) de passer la nuit au musée du Louvres, en extase devant L’Hermaphrodite endormi ! Et puis, il faut bien dire que ce couple n’a rien de banal ! Rien à voir avec les histoires d’amour insipides des « non-bobos ». La preuve ? Ils font l’amour pour la première fois dans une mine de charbon située dans les Asturies (région d’Espagne que tu ne connais pas, puisque toi, tu vas plutôt sur la Costa brava ou en Andalousie comme ce pauvre petit monsieur Tout-le-monde que tu es). Et toi qui a l’habitude de faire l’amour dans un lit (et pas dans une mine de charbon), tu te demandes si tu n’es pas en train de passer à côté de ta vie, vu la banalité de tes expériences.

          Allons donc ! Plonger n’est sans doute pas un si mauvais roman car je l’ai lu sans déplaisir. Mais inutile de penser qu’on va faire le grand saut dans des émotions inédites avec ce roman-là ! Pour le coup, on fait trempette et on patauge sur des rivages bien balisés et totalement convenus, même si le roman semble se défendre de ces écueils-là.

 



29/10/2018
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