LECTURES VAGABONDES

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Benedict Wells : Le dernier été / Dernier de la classe

   

     Nous sommes en plein été 2020. Un drôle d’été, marqué par l’épidémie de coronavirus. J’espère que ce ne sera pas le dernier été ! Qu’on ne va pas tous mourir à la rentrée !!! En tout cas, Le dernier été, c’est bien le titre de ce roman de Benedict Wells, qui parait en 2018 aux éditions Slatkine & Cie.

 

Face A : Nous sommes à Munich, à la fin des années 90. Robert Beck, un musicien raté, ex-guitariste dans un groupe de rock amateur, est devenu professeur de musique et d’allemand au lycée Georg Büchner. Il découvre le talent musical d’un élève lituanien nommé Rauli Kantas, fabuleux guitariste et compositeur. Il décide de se faire imprésario et à la suite d’un premier concert à la fois calamiteux et génial, il tente de lui trouver un contrat avec Holger Gersch, son ancien imprésario à cause duquel il a dû quitter le groupe de rock auquel il appartenait quelques décennies auparavant. Mais fidèle à sa mentalité pourrie, Gersch veut évincer Beck et signer exclusivement avec Rauli. Pour l’heure, les choses sont en suspens car un événement imprévu va bouleverser la vie de Beck et de Rauli. Mais auparavant, il faut faire un point sur d’autres personnages qui entourent notre héros. D’abord, il y a Lara, une femme rencontrée dans un bar avec laquelle Beck va nouer une relation plus sérieuse que celle qu’il attendait. Mais Lara décide de s’installer à Rome où elle poursuit des études de mode. La séparation est donc actée. D’autre part, Charlie, un ami de Beck qui a joué dans le même groupe de rock que celui-ci, toxicomane, pète les plombs et se retrouve interné. Cependant, il s’évade de l’asile de fou où il était soigné car il veut aller à Istanbul où sa mère est gravement malade. Et c’est ainsi que, l’été venu, Beck, Rauli et Charlie se retrouvent dans une Volkswagen Passat jaune à sillonner les routes des pays de l’est en direction de la Turquie.

Face B : En route pour la Turquie, le trio de choc a bien du souci à se faire. En effet, Charlie détient un sac en plastique rempli de cocaïne qu’il doit acheminer jusqu’à Bucarest. Il se retrouve donc pris dans un imbroglio avec des types aux mines patibulaires. Il se fera même passer à tabac et se retrouvera avec un doigt en moins. Arrivé à Istanbul, il retrouve sa mère et décide de rester un peu auprès d’elle. De leur côté, Beck et Rauli décident de rentrer à Munich en avion. En effet, Rauli informe Beck qu’il a déjà signé avec l’impresario Gersch. Il disparait et deviendra une vedette du rock avant de sombrer dans la drogue. Quant à Charlie, véritable hypocondriaque qui pressentait sa mort, il sera tué dans le crash de l’avion – le premier qu’il prenait ! – qui le ramenait de Turquie en Allemagne. Beck, de son côté, retrouve Lara avec laquelle il va vivre à Rome, se lance dans la chanson avec un succès relatif. Son défaut ? Il ne sait pas écrire de mélodie. Bien plus tard, alors qu’il mène une existence qu’il qualifie de ratée à Raito, près de Naples, plusieurs années après sa rupture avec Lara, il reçoit la visite de Benedict Wells, le romancier qui écrit un roman sur ce fameux dernier été porteur de tous les espoirs, qui s’est finalement terminé en queue de poisson pour lui et Charlie. Mais au moment où tout semblait désespéré, Rauli lui rend visite… et pour se dédouaner, il lui offre la plus belle des mélodies qu’il a jamais composées et qui parle de son amour pour Anna, une fille de sa classe dont Beck était aussi amoureux. Pour sûr, cette mélodie donnera naissance à un grand tube…. En tout cas, tous les espoirs sont de nouveau permis pour Beck.

 

          Ce sont les normes de découpe des disques vinyles qui caractérisent la structure de ce roman. Il possède en effet une face A – consacrée à la rencontre et aux projets (fonder un groupe de rock) de Beck et de Rauli – et une face B – consacrée à la cavale vers la Turquie. Pour le reste, les chapitres portent tous le titre d’une chanson de Bob Dylan.  Bien évidemment, cette forme est en adéquation avec le fond du roman qui traite de l’itinéraire un peu foireux de quelques musicos un peu paumés et un peu ratés. Deux personnages se détachent de l’ensemble : Beck et Rauli.

          Rauli, c’est un jeune garçon encore étudiant, talentueux mais qui n’a pas d’objectif bien défini. Il joue certes de la guitare (il chante aussi et compose des chansons) avec un talent inégalé, mais son véritable défi, c’est de parvenir à percer dans le monde du patinage artistique. Par ailleurs, il a tout pour plaire : il est puceau, il ment, il se retrouve dans des embrouilles improbables ; bref, il a tout d’un looser sauf quand il est à la guitare.

Beck, quant à lui, est un raté. Certes, dans les années 70, il a fait partie d’un groupe de rock dont il s’est fait viré. Depuis, il est prof de musique et d’allemand. C’est un véritable looser, il a des côtés ridicules et dans tout ce qu’il entreprend, il finit par se retrouver Gros-Jean comme devant. Pourtant, son rêve est de vivre de la musique, de créer des tubes et de devenir une star de la chanson ne l’a pas quitté.

          Si on additionne à ces deux-là un troisième loustic tout aussi miteux - Charlie – on tombe sur un groupe de charmants pieds nickelés, en route à travers l’Europe de l’est sur la face B du roman. Comme depuis le début, l’intérêt du roman est discutable, comme l’ensemble, depuis le début, souffre d’un cruel manque d’inspiration, alors l’auteur se lance dans la relation d’une épopée à travers quelques pays pas très exotiques (principalement la Roumanie), épopée qui rappelle le road book si cher à Jack Kérouac : Sur la route. Certes, si le voyage dans une voiture pourrie à travers le monde peut s’accorder avec un certain style musical, ici, on a bien l’impression de partir dans une improbable et indigeste digression qui n’a plus grand-chose à voir avec le rock n’roll, puisqu’il est question de trafic de drogue avec passage à tabac, de sac plastique plein de substance illicite ou de revolver qu’on planque… Comment, après un tel détour – pas très mortel – va-t-on pouvoir revenir au véritable thème du roman ? Personne ne le sait, pas même l’auteur puisque…

          Benedict Wells termine son roman en en bouleversant les codes (donc plus la peine de se casser à tête à construire son roman qui se déroulera désormais comme la vie, avec ses impondérables, ses contradictions, ses impasses, ses virages à 180°…). L’auteur se met lui-même en scène dans les dernières pages sous forme d’une enquête qu’il aurait menée auprès de Beck, le musicien. Bref, du roman sur le mode fiction, on passe dans le mode biographie. Robert Beck n’est pas un personnage de roman, c’est un personnage réel, ancien professeur de l’écrivain. Ainsi, Benedict Wells aurait recueilli les confidences de Beck, confidences sur lesquelles il se base pour écrire ce roman que tu tiens encore dans tes mains, pauvre lecteur qui a hâte d’en finir avec un tel navet. L’auteur en profite pour avertir le lecteur : il y a de la fiction dans cette biographie… Et puis, il avait décidé de terminer son chef d’œuvre par le suicide de Beck. Mais Beck vit encore à Raito où il peint. De toutes manières, il est clair que Benedict Wells voulait prendre le contrepied du genre biographique qui souvent utilise des personnages célèbres et uniques pour sujet. Ici, au lieu de faire la biographie de la star déchue du rock Rauli, Benedict Wells se penche sur la vie de son professeur, musicien raté… et des musiciens ratés, c’est qu’il y en a à travers le monde ! Sans doute Benedict Wells voulait-il rendre hommage à tous ceux qui rêvent de devenir musiciens mais qui n’ont pas de talent particulier dans ce domaine. Mais c’est, je dois le dire, plutôt raté. On se fout totalement, pour le coup, des pérégrinations de Robert Beck, un professeur vaguement amoureux d’une de ses étudiantes, qui se lie d’amitié avec un élève qu’il admire, qui est en perpétuelle galère sentimentale…. Tout est présenté de manière anecdotique, rien n’est mis en relief. Tout est plat et on s’ennuie.

          Ainsi donc, j’espère que cet été 2020 ne sera pas le dernier. En tout cas, en ce qui concerne les romans de Benedict Wells, Le dernier été sera bel et bien le premier et dernier que je lirai.



03/09/2023
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