LECTURES VAGABONDES

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Anne Bragance : Escort boy/Mauvaise escorte !

 

 

              On a tous déjà entendu parler des escort girls, ne serait-ce que par le biais de tous ces documentaires pseudo sociologiques qui leur sont consacrés. On connait bien moins les escort boys, sans doute parce que leur nombre est plus confidentiel, parce que le sujet est tabou, parce qu’il y a moins de trafics d’argent qui dépendent de leur activité. C’est, à travers un personnage – Manolito – qu’Anne Bragance tente d’aborder ce sujet dans ce roman : Escort boys, paru en 2013 aux éditions Mercure de France.

 

          Manolito vit avec sa mère dans un hôtel de luxe et mène une vie de pacha qui consiste surtout à l’accompagner dans ses séances de très coûteux shopping. Le jeune homme n’a pas de père car sa mère est farouchement indépendante et préfère s’entourer et entourer son fils de fées, c’est-à-dire de ses amies : elles sont sept. A la mort de sa mère, Manolito est désemparé : ses études de chimie ne l’intéressent pas et il n’a

guère envie de s’engager sur ce terrain-là. C’est l’une des amies de sa mère qui lui ouvre son carnet d’adresses et lui propose de le mettre en relation avec des femmes qui ont besoin de compagnie. Ainsi, la vie d’escort boy de Manolito commence. Il rencontre des femmes riches, seules, qui ont besoin de compagnie, de sexe, ou de diverses fantaisies. Puis, Manolio rencontre aussi un jeune homme – Bastien - qui est, lui aussi, escort boy. Entre ces deux-là, l’amitié se noue. Cependant, Manolito se lasse bien vite de cette activité qui ne lui procure que très peu de plaisir. Un jour, et puisqu’on considère qu’il a beaucoup d’expérience en la matière, on lui propose d’écrire un livre sur les femmes : « comment déshabiller les femmes ». Malheureusement, le jeune homme sèche. Il décide d’abandonner le métier d’escort boy lorsqu’il s’est agi de donner du plaisir à une comtesse avec un autre homme. Manolito ne voit pas comment il arrivera à partager une femme dans le même lit que Bastien. Ce dernier renonce également au métier pour monter un club de remise en forme. Mais que va donc bien faire Manolito de toutes ses journées ? Certes, il a de l’argent… mais ce renoncement au métier d’escort boy ne débouche sur aucun nouveau projet professionnel, contrairement à Bastien. Pour notre Manolito, c’est la découverte de son homosexualité qui sera l’aboutissement de toute cette expérience des femmes.

 

          Mon résumé ne rend pas compte de l’ensemble du roman ; seulement de sa trame narrative générale. En effet, escort boy est construit en trois parties sensiblement différentes. L’ensemble pour chaque partie, se découpe en très petits chapitres de deux à trois pages. La première partie s’intitule « Manolito et les femmes ». Dans cette partie, la plupart des chapitres sont consacrés aux différentes femmes rencontrées par Manolito et à ce qu’elles lui demandent de faire. Bien évidemment, cette partie brosse rapidement le portrait de chacune de ces femmes. La seconde partie s’intitule « Les dessous des femmes ». Manolito est quasiment absent de ces chapitres et de cette partie. En effet, Anne Bragance reprend alors toutes les femmes entrevues dans la première partie : Catherine, Céleste, Aurore, Lola, et les autres. C’est ici l’occasion d’approfondir leur portrait et de les montrer sous un autre jour, comme à travers un effet de miroir. On découvre ainsi souvent des femmes seules, angoissées, complexées. Inutile de s’appesantir sur toutes ces femmes : l’ensemble est finalement très rapide et superficiel. Dans escort boy, il y a beaucoup de personnages féminins, mais finalement quelques pages pour chacune. Mais un escort boy s’intéresse-t-il vraiment au désarroi de ses clientes ?  Enfin, la troisième partie s’intitule « En rupture de ban » et est consacrée à la prise de conscience de Manolito de sa véritable nature.

          Que penser du personnage de Manolito ? C’est un jeune homme sans grande personnalité, fortement influencé par sa mère et par ses sept copines qui l’ont toujours chouchouté comme le fils qu’elles n’ont jamais eu. Par ailleurs, Manolito ne connait pas son père et il lui arrive de rêver ou de penser à lui. Son métier d’escort, il ne l’a pas choisi : c’est l’une de ses mères qui a décidé pour lui. Mais Manolito a du mal à dire non. Quoique ! Quand certaines clientes lui demandent des choses qui lui déplaisent comme de faire l’amour en uniforme de GI, il refuse. Un jour, c’est un homme qui lui fixe un rendez-vous. Manolito refuse d’avoir des rapports avec lui, car il n’est bien évidemment pas de ce bord-là. Avec lui, il met les pieds pour la première fois dans un bar gay et se sent troublé. La fin, on la connait. Manolito décide de retourner seul dans ce bar… en toute connaissance de cause.

          Alors, bien plus que d’aborder la réalité du métier d’escort boy, Anne Bragance nous balade dans une galerie de portraits de femmes sans grand intérêt car trop superficiels, et nous invite à observer comment la révélation de l’homosexualité chemine à travers le personnage de Manolito. Sauf que sur ce coup-là, on nage en pleine psychanalyse de bazar : absence du père, entourage ultra-féminin et castrateur, goût pour le shopping, les fringues, le look… voilà ce le parcours psychologique ultra-téléphoné de Manolito. Par ailleurs, je ne sais pas trop ce que penserait la LGBT de cette association de la prostitution et de l’homosexualité. Ne renforce-t-on pas l’idée que l’homosexualité est une déviance purement sexuelle et sale, comme tout ce qui se trame dans l’univers des prostituées ? Mais peut-être qu’Anne Bragance a seulement voulu vendre du papier avec un titre accrocheur et trash dans lequel elle enquille quelques sujets tabous qui choquent encore la morale bourgeoise. Ceci dit, je ne la crois pas suffisamment armée pour traiter de la question de l’homosexualité masculine.          

          Ceci dit aussi, pour conclure, si vous cherchez des scènes de sexe, du hot, du trash, préférez lire Henry Miller ou Catherine Millet, car escort boy est un roman duquel n’émane aucune sensualité et qui n’assouvit aucun fantasme.

 



22/10/2018
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