LECTURES VAGABONDES

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Alma Brami : Lolo / Hommage à Lolo Ferrari

                Qui se souvient encore de Lolo Ferrari, la bimbo trash qui amusait tant les plateaux-télé ? Personne. Car voilà bien longtemps qu’elle nous a quittés, victime d’une overdose de médicaments. Alma Brami, dans son roman : Lolo, paru en 2013 aux éditions Plon ne prétend pas proposer une biographie exacte de la starlette, mais bien plutôt un portrait nuancé de celle-ci telle qu’elle l’imagine. Elle propose au lecteur d’assister à trente-trois séances fictives que son héroïne doit subir chez un psy si elle veut obtenir du chirurgien une énième opération d’augmentation mammaire.  Ces séances se déroulent ente le Lundi 4 Octobre 1999 et le Mardi 29 Février 2000, à la veille de sa mort. Au fil des jours, un portrait nuancé, sensible et pathétique d’Angèle Marie Céline Blondeau, née le 10 Février 1962, se dessine.

                Portrait d’une femme mal dans sa peau, tout d’abord. C’est son mari, Alain, qui dirige et gère sa carrière ; il fait d’elle un phénomène de foire : Lolo est dotée d’une énorme poitrine que son mari veut encore plus forte pour décrocher des contrats de tous acabits… et le porno entre dans ces considérations. Lolo y a touché, même si elle n’aime pas vraiment ça. Et puis, elle reçoit des hommes avec lesquels elle couche : un certain Gary est un client régulier. Car il faut bien dire que Lolo a du mal à trouver mieux à faire, à cette époque où elle a pris trop de poids : elle boit beaucoup de champagne et prend des médicaments contre l’angoisse, la dépression, la douleur, bref, contre la vie. Et puis, il y a la mère, autoritaire, pas vraiment là pour aider sa fille qu’elle dénigre trop souvent : elle n’aime pas ce qu’Alain est en train de faire d’elle.

                Prise entre tous ces feux, Lolo se cherche. Avec le psy, elle adopte une multitude de tons parfois contradictoires : tantôt coquine, tantôt agressive, tantôt désespérée… de plus en plus désespérée au fil des séances. Lolo est percluse de douleurs, elle a du mal à se lever, elle se déteste et ne voit pas comment elle pourrait être heureuse. Surtout, elle souffre d’un énorme besoin d’amour dont le psy fait parfois les frais : Lolo voudrait parfois être toujours là, à se confier à lui, être sa seule cliente. Mais parfois aussi, elle sait être cruelle envers lui.

                Lolo, c’est aussi une femme-enfant qui rêve d’être Pamela Anderson ou Marilyn Monroe. Elle aime faire plaisir aux autres, et pour elle, ça passe par se laisser faire. Elle n’aime pas beaucoup le sexe, mais elle laisse les hommes faire d’elle ce qu’ils veulent, elle exécute tous leurs fantasmes. A commencer par ceux de son mari, Alain, homme étrange qui ne couche pas avec sa femme et qui, de plus en plus adopte une allure féminine. Il porte des vêtements de femme, arbore une longue chevelure soyeuse. Lolo devient sa poupée et en souffre souvent. Les sentiments qu’elle éprouve pour lui sont ambigus : de l’amour à la haine en passant par la reconnaissance. Cependant, notre héroïne est surtout fatiguée de la vie qu’elle mène :

                « J’ai du désespoir, du désespoir en quantité. Je suis tout au bout, je sais pas vraiment de quoi, au bout de moi. Je rêve que tout s’arrête d’un coup. Ne plus avoir à penser à comment je respire, dans quelle position je m’allonge. J’en ai marre de me porter, je suis trop lourde, encombrante. J’aimerais qu’on me dégonfle, vous savez, comme les ballons pour les enfants. On enlève le p’tit truc en plastique et tout l’air s’en va.  J’aimerais bien faire pareil. On me roulerait, on me rangerait dans un coin, et on me ressortirait à une autre saison, quand j’aurais enfin repris des forces. »

                On l’aura compris, au fil de toutes ces séances chez le psy, la parole de Lolo se libère du mensonge des apparences et la vérité du désespoir profond surgit de manière touchante et pathétique. Alors, certes, Lolo n’est pas une autobiographie, mais l’écriture livre la manière dont Alma Brami a ressenti ce personnage qui l’a habité le temps d’un roman, le fantasme qu’elle a éveillé en elle… et peut-être aussi en nous.

En tout cas, j’ai beaucoup aimé la voix simple, triste, enfantine jusque dans le désespoir de Lolo. J’y ai entendu une certaine vérité : je crois que finalement, la véritable Lolo Ferrari ne devait pas être loin de ce personnage ressenti par Alma Brami. Mais peu importe. Lolo Ferrari est loin… depuis, il y a eu Loana, et aujourd’hui, lorsqu’on pense bimbo, surgit la plantureuse Nabilla. On est bien peu de choses, qui qu’on soit. Mais peut-être bien que dans le monde des poupées, on n’est rien.



29/06/2014
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