LECTURES VAGABONDES

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William Styron : Le choix de Sophie / à choisir imanquablement

 

Je ne sais si je parviendrai à trouver les mots justes pour donner envie aux lecteurs toutes catégories de filer à la librairie d'à côté afin de s'emparer au plus vite de ce roman-fleuve (1000 pages !) : Le Choix de Sophie, écrit par William Styron en 1979.

Le jeune Stingo débarque à New-York. Son ambition : devenir écrivain. Il rencontre Sophie dans une bibliothèque de Brooklyn. Anémique, la jeune femme s'évanouit. Stingo lui porte secours et découvre, dans la chair de son épaule, la marque de son terrible secret : Sophie est une rescapée d'Auschwitz. Rescapée ? Parvient-on jamais à s'échapper de ce lieu ? Très vite, une amitié amoureuse se noue entre les deux personnages, et Sophie confie à Stingo, par bribes savamment orchestrées, l'horreur qu'elle a vécue dans les camps de la mort.

A ce fil directeur s'ajoute l'histoire passionnée qui unit l'héroïne à Nathan, son amant juif qui n'a pas connu la Shoah et qui peut parfois faire preuve d'une violence terrible à son encontre…. Un amour à la dérive, donc. Stingo, quant à lui, rentre de temps à autre dans son Sud natal. On retrouve alors ce thème si cher à Styron : la discrimination raciale des blancs contre les noirs américains.

Ainsi, le roman traite-t-il principalement de diverses formes de racisme et de violence que Styron parvient à fusionner de manière éblouissante : celle de l'antisémitisme, à travers le thème de la Shoah, celle des couleurs (la peau blanche contre la peau noire), celle des sexes : un homme contre une femme.

Mais n'envisager ce roman que sous cet angle, c'est le réduire de beaucoup !

Stingo, le narrateur, assiste, impuissant, à l'autodestruction de deux êtres chers. Comment, en effet, vivre encore lorsqu'on a été brisé, broyé, un jour, par les horreurs de l'Histoire ? Sophie ne parviendra jamais à se reconstruire : elle est condamnée, elle le sait ; elle se laisse condamner par Nathan. L'émotion qui se dégage de ce roman tient à sa voix - la voix de Sophie - qui prend le pas sur celle de Stingo-narrateur, lorsqu'elle raconte avec son accent polonais (qui donne à ses propos malhabiles et simples un terrible effet vérité) toutes les brisures dont elle fut victime… jusqu'à la révélation finale : celle du choix qu'elle a consenti à faire, un jour.

L'émotion tient aussi à la narration tourmentée du jeune Stingo, tiraillé entre l'amitié qu'il porte à Nathan et l'amour fou qu'il voue très vite à Sophie, un amour d'autant plus tyrannique que notre apprenti écrivain est encore puceau…  Ainsi, ce roman comporte-t-il, au cœur des différents drames qui se nouent, une bonne dose d'humour : on passe subtilement du rire aux larmes ; car oui, je l'avoue, ce livre m'a fait pleurer… et je ne pense pas que je parviendrai à oublier un jour la voix de Sophie. Je l'entends encore, là, dans ma tête, et je crois bien qu'elle poursuit également à jamais tous ceux qui l'ont écoutée un jour. Sans doute est-ce là la marque d'un chef d'œuvre à l'état pur. C'est selon moi, l'un des seuls livres qui parvienne à traduire de manière vivante et inoubliable l'horreur de la Shoah et de tous les racismes existants.

 



03/02/2009
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