Steven Carroll : Un long adieu/Ce n’est qu’un au revoir
Après l’absolument génial De l’art de conduire sa machine, voici le second opus de la trilogie intitulé Un long adieu, écrit par le toujours très talentueux Steven Carroll. Le roman paraît en France en 2006 aux éditions Phébus.
Nous sommes désormais en Octobre 1960, toujours dans la banlieue de Melbourne. Pendant cinq mois va se jouer le tournoi de cricket d’Australie et Michaël est féru de ce sport. Il aspire à devenir joueur professionnel et se donne beaucoup de mal pour y parvenir. Autour de lui, nous retrouvons Vic, le père, qui voue une passion pour le golf, Rita, la mère, qui s’ennuie toujours autant. S’ajoute à cette petite famille, la grand-mère – mère de Vic – qui vient vivre ses derniers mois chez son fils. Durant cet été 1960, Michaël vivra aussi son premier amour : un amour platonique qu’il voue à une certaine Kathleen, pensionnaire au foyer des jeunes filles, un foyer qui fermera définitivement ses portes, cet été-là, mettant fin aux rencontres des deux adolescents. Et puis, un jour, alors qu’il joue au cricket, il ressent une douleur intense dans le dos… cette douleur mettra fin aux velléités professionnelles de Michaël. Tandis que s’achève le tournoi de cricket ; tandis que meurt la grand-mère ; tandis que s’achève ce bel été 1960.
Si Un long adieu est encore et toujours un roman d’excellente facture, j’ai préféré De l’art de conduire sa machine. L’espace temporel ici exploré par Steven Caroll est beaucoup plus long : Un long adieu se déploie en effet sur une saison : l’été 1960. Contrairement à son prédécesseur qui s’étirait sur une soirée – concentration extrême de l’action pour un effet de prisme très aigu – ici, on se rapproche d’une temporalité plus classique. Le lieu est également beaucoup plus étendu : nous ne sommes pas dans une seule et unique rue débouchant sur une seule maison, mais nous naviguons dans la banlieue de Melbourne, entre l’usine Webster, le magasin d’articles de sport de Lindsay Hassett, le foyer pour jeunes filles, le jardin où Michaël s’entraine, le terrain de cricket. Le morcellement des destins de nos personnages est encore et toujours un thème primordial du roman, mais l’espace plus étendu dans lequel ils s’inscrivent rend, là encore, moins saillante la sensation de la solitude de chacun alors que chacun vit avec les autres.
Pour le personnage principal, Michaël, il s’agit de dire adieu à l’adolescence et à ses rêves de gloire et d’amour. Il s’est entrainé pendant des heures et des heures, frappant la balle à la recherche de la vitesse, mais ce faisant, il s’est blessé dans le dos et toute carrière de joueur de cricket lui sera finalement interdite.
Quant à Kathleen, elle s’éloigne, elle aussi en changeant de lieu, mettant un point final à un amour qui, tout comme la carrière sportive du héros, meurt avant d’avoir vécu. Ce long adieu se déroule dans une atmosphère douce-amère, teintée de nostalgie, de mélancolie et d’éclairs de bonheur fulgurants et lumineux : Michaël assiste, en effet, à des prouesses sportives hors pair lors de ce tournoi de 1960, et ces moments de grâce pendant lesquels le joueur atteint la perfection sont entrés dans la légende, ils sont immortels et fixés dans le temps et la mémoire pour toujours. Un long adieu est donc encore et toujours le roman de la nuance et du contraste qui laisse un kaléidoscope d’impressions.
Mais ce long adieu de Michaël au cricket, à son adolescence, s’inscrit dans d’autres adieux… Adieu à la vie : la grand-mère de Michaël se souvient de sa vie avant de la quitter un jour, sans bruit. Webster, le propriétaire de l’usine, se rend compte qu’il n’aime plus ce travail auquel il a voué sa vie. Il lance sa voiture contre un train, comme d’autres lancent une balle de cricket à toute volée.
Avec Le temps qu’il nous a fallu, bientôt, nous allons ouvrir la page des années 70 sur cette banlieue de Melbourne. J’espère être autant ravie par ce dernier volet de la trilogie que par les deux précédents.
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