LECTURES VAGABONDES

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Rebecca Coleman : Quand nous étions heureux/Heureux qui lit ce roman !

 

     Voici un roman qui nous plonge dans le bonheur de la lecture !    Quand nous étions heureux a été écrit par Rebecca Coleman et a paru en 2014 aux éditions des presses de la cité. 

 

          Jill est très éprise de Cade, un brillant étudiant en sciences politiques, et attend un enfant de lui. Cependant, le jeune homme hésite à présenter sa petite amie à sa famille. Cependant, un jour, déçu par la tournure que prennent les événements suite à une élection dont il avait soutenu un candidat, Cade rentre chez lui, dans un trou perdu du New Hampshire : Frasier. Au sein de cette famille, Jill va bientôt entretenir des relations proches avec le frère de Cade : Elias, un jeune engagé revenu d’Irak avec une blessure à la jambe.  Malgré l’attention de toute la famille ou presque, Elias sombre dans la dépression, passe son temps

devant la télévision, à fumer, à manger. Un jour, peu après l’accouchement de Jill qui donne naissance à un petit Thomas Jefferson, c’est le drame. Elias se suicide et c’est Cade qui découvre d’abord le corps de son frère. Dès lors, Cade se met à changer. Il se laisse influencer par son beau-frère, Dodge, un homme borné aux idées extrêmes et violentes. Il commence à s’intéresser aux armes et Jill découvre un jour qu’il fabrique en cachette des bombes artisanales. La jeune femme prend peur et décide de préparer son évasion pour protéger son fils. Elle décide de contacter son ami Dave chez qui elle compte s’installer après s’être enfuie de Frasier. De son côté, Cade se rend compte qu’il n’a plus d’avenir dans le monde politique, qu’il est sorti du cercle des jeunes loups de Washinghton. Il revoit son ex-petite amie – dont Elias était amoureux – Piper - et pendant quelques temps, il se met à tourner autour d’elle sans aller plus loin. Bref, Cade et Jill s’éloignent l’un de l’autre. Jusqu’au drame final. Dodge et Cade se rendent à Washington pour faire un attentat contre le gouvernement qui laisse tomber les soldats qui se sont sacrifiés, lorsqu’ils sont hors d’usage. Mais c’est finalement le rival de Cade à Washington – Drew Fielder – qui sera enlevé et détenu en otage à Frasier. Le dénouement sera tragique. Cade meurt dans l’assaut qui suit. Jill refait sa vie avec Dave.  

 

          Quand nous étions heureux s’apparente à un roman polyphonique. Certes, le personnage principal, c’est Jill, la pièce rapportée dans la famille Olmstead. Elle est témoin des bizarreries et des déchirures de cette famille. Pourtant, elle est loin d’être le personnage le plus intéressant.

Elias, le frère de son époux – Cade - de retour au pays après une blessure en Irak, est le pivot de l’intrigue. Jill le voit sombrer de plus en plus profondément dans la dépression jusqu’au suicide. Mais il s’avère que ce jeune homme a un rapport particulier avec son frère, Cade. En effet, il fut amoureux de Piper, une ex petite amie de ce dernier. Et puis, Jill le sait, l’a intuitivement senti : Elias était amoureux d’elle. Sans doute Elias était-il jaloux de son frère, par ailleurs étudiant brillant qui semble avoir devant lui une belle carrière politique. A travers le personnage d’Elias, Rebecca Coleman s’insurge contre l’indifférence du gouvernement américain qui laisse tomber ceux qui ont servi le pays à la guerre : les séquelles psychologiques de ces soldats, leurs difficultés du retour et de la réinsertion au pays sont le cadet des soucis de l’Amérique.

          Mais Rebecca Coleman propose aussi dans Quand nous étions heureux une image assez réaliste d’une certaine Amérique profonde. Tout d’abord, il y a le culte des armes : chez les Olmstead, se trouve une espèce de bunker garni de nourriture… au cas où il y aurait une guerre. Les fils d’Eddy ont appris très jeunes à manier différents modèles de pistolets. Globalement, la famille est très croyante. Elle n’aime pas qu’on se mêle de ses affaires et vit presque en autarcie dans son coin de cambrousse. D’ailleurs, Candy, la femme de Dodge, n’envoie pas ses enfants à l’école : certes, elle veut une famille nombreuse mais elle veut inculquer à sa marmaille ses propres valeurs teintées de religion. Bien entendu, les hommes sont les chefs ; ils sont parfois violents quand ils estiment que les choses ne vont pas comme ils le veulent. Eddy, le père, fut violent avec sa femme et ses enfants. Dodge, le mari de Candy, affiche des idées très réactionnaires et conservatrices, et se dresse sur ses ergots lorsqu’il n’est pas content.

          Cependant, à force de vivre replié sur soi, de drôles de sentiments peuvent éclore : Candy est jalouse de toute fille qui s’intéresse à Elias, son frère ; autrefois, elle a laissé la jeune Lindsay, éprise d’Elias, se noyer.

          Et puis, bien sûr, il y a Cade ; sans doute nourrissait-il, lui aussi, des rapports troubles avec son frère puisqu’après la mort de celui-ci, il sombre au point que même sa femme et son fils ne peuvent plus rien pour lui.

         Ainsi, Quand nous étions heureux est un bon roman : c’est une chronique familiale d’une certaine Amérique profonde et raciste écrite tout en nuance et en pudeur ; ici, le non-dit gangrène le cœur de chaque membre de la famille Olmstead. On déplore seulement cette fin un peu conventionnelle digne des plus classiques polars américains : une prise d’otage qui se termine à la fois bien et mal. Si le damné meurt, l’innocente est sauvée et très vite, en quelques pages, on apprend qu’elle se reconstruit auprès de son ami de toujours. Elle était peut-être heureuse… mais finalement, après l’effondrement, elle l'est encore… avec un autre.



01/06/2020
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