LECTURES VAGABONDES

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Pierre-Etienne Musson : Un si joli mois d’Août/Un si joli roman.

 

        En cette fin d’année 2018, nous arrivons au terme des commémorations de la grande guerre avec comme point d’orgue les cérémonies du 11 novembre. Inutile de dire que durant ces quatre années du centenaire de la guerre 14-18, de nombreux romans et œuvres de tout acabit ont été écrits et publiés. Nous allons donc nous pencher sur l’un d’entre eux. Il s’agit du premier roman du journaliste à l’express Pierre-Etienne Musson intitulé Un si joli mois d’Août paru en 2016 aux éditions Denoël.

 

          Antoine Richerand est instituteur en Sologne, dans le petit village de Nouan-le-Fuzelier. Il est marié depuis trois ans à la tendre et douce Inès. L’ordre de mobilisation du 2 août 1914 vient perturber la vie tranquille des habitants du village, occupés en grande partie par les moissons. Parti la fleur au fusil, mais néanmoins avec l’angoisse au ventre, Antoine va faire l’expérience terrible des tranchées, de la mort qui rode, des nuits sans sommeil dans la boue et la saleté. Il voit également de nombreux camarades tomber. Un jour, il reçoit un éclat d’obus qui lui emporte une partie de son visage. Nous sommes alors au début de l’été 1916. Hospitalisé au lycée Buffon de Paris, il reçoit les fréquentes visites de son épouse, Inès. Cependant, un fossé s’est creusé entre les époux. Inès voit avec horreur le visage de son mari ; mais bien plus, Antoine souffre d’ « obusite » : le moindre bruit le terrorise et le plonge dans l’hystérie ou l’hébétude. Déjà, lors de la permission qu’il avait obtenue en 1915, les époux ne s’étaient pas vraiment retrouvés comme avant la guerre et Inès apprendra qu’avant de venir la rejoindre à la maison, Antoine avait passé une nuit au bordel avec des compagnons de route. Peu à peu, la jeune femme s’éloigne de ce mari qu’elle ne reconnait plus et qu’elle n’aime plus. Un jour, elle rencontre un vieux garçon dans le genre doux rêveur ; il s’appelle Isidore Lambiot et est passionné par les papillons exotiques. Son rêve : se rendre en Amazonie pour chasser les plus beaux spécimens. Petit à petit, une relation amicale et platonique s’installe entre Isidore et Inès qui, pour des raisons pécuniaires et pratiques, s’installe de plus en plus souvent dans le bel appartement d’Isidore à Paris. Ainsi, elle évite les longs trajets pour aller voir son mari ; ainsi, elle découvre l’effervescence de la vie parisienne. Mais un jour, le professeur Saluron – qui s’occupe entre autres du cas d’Antoine – déclare à Inès qu’il est temps qu’Antoine rentre chez lui. Inès ne s’imagine pas retourner à Nouan-le-Fuzelier avec un mari devenu fou. Elle accepte de coucher avec le professeur Saluron afin que ce dernier obtienne pour Antoine une place à La Maison Blanche, institut tenu par un certain Maxime Fournier-Farnaise qui pratique les électrochocs pour tenter de rendre leur raison aux soldats rendus fous par la guerre. C’est là qu’Antoine trouvera la mort car le praticien n’y va pas de main morte avec des soldats qu’il soupçonne de lâcheté. Et puis, même si Isidore avait lancé une enquête pour savoir ce qu’était devenu le mari d’Inès, cette dernière n’aboutira pas vraiment : parti en Amazonie chasser les papillons, Isidore trouve la mort sur un bateau. Inès hérite de son ami… Et refait sa vie : elle tombe en effet amoureuse d’Emile Dufaux qu’elle épouse en mai 1919.

 

          J’ai beaucoup aimé ce roman de Pierre-Etienne Musson qui me rappelle la grande saga d’Henri Troyat : Les semailles et les moissons. Comme chez Troyat, Musson met en scène des personnages humbles, issus de milieux modestes. C’est là que l’on trouve la chair à canon qui nourrira les tranchées de 14-18. Tous ces personnages vont voir leur vie bouleversée par la guerre : des épreuves, du courage, de la douleur… mais aussi un peu de bonheur, sont au rendez-vous pour nos poilus et leurs familles.

          Pourtant, le roman ne manque pas de défauts ; il accumule les clichés généraux sur la grande guerre ; on y trouve : les gueules cassées, les traumatismes psychiques dus à l’horreur des tranchées, les femmes qui participent à l’effort de guerre, le facteur qu’on attend avec angoisse…. Si jamais…. ! Cependant l’ensemble fait preuve de beaucoup de réalisme et la lecture d’Un si joli mois d’Août est très prenante. 

          Mais l’originalité de ce roman, c’est qu’il n’évite pas la cruauté. Bien loin de faire de nos poilus des héros, il montre à quel point ils sont vite oubliés, à quel point on ne veut plus d’eux lorsqu’ils reviennent et qu’ils ne savent plus se réadapter à la vie normale. On fera, à leur mémoire, de beaux monuments aux morts sur lesquels seront gravés leurs noms… Pour le reste, on les met au rebut. L’histoire d’Inès et d’Antoine est à ce niveau-là tout à fait représentative de cette cruauté. Lorsqu’elle comprend que son mari ne sera jamais plus celui qu’elle a épousé, Inès couche avec le professeur Saluron pour pouvoir se débarrasser de lui dans un institut où on pratique les électrochocs. Le malheureux qui a sacrifié sa vie pour la France finira dans un mouroir où on se livre à des expériences cruelles, sans aucune considération puisqu’on le soupçonne de simuler la folie pour ne plus retourner au front. C’est là toute l’ambivalence du personnage d’Inès. Courageuse et aimante, elle peut aussi se révéler abjecte et égoïste.

          Ainsi, je conseille la lecture d’Un si beau mois d’Août. Il est sans doute moins puissant que le très remarqué : Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre, mais c’est quand même un bon numéro qui se détache de toutes les publications dont nous sommes submergés sur le sujet de la grande guerre, depuis quatre ans.  



08/08/2021
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