LECTURES VAGABONDES

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Patrick Cauvin : E= MC2, mon amour / Une équation un rien bancale.

 

       « Parce que c’était moi, parce que c’était elle » ! Qui n’a jamais rêvé à cette équation parfaite de l’amour prédestiné, largement répandue dans toute la littérature, y compris parmi les grands classiques ? A travers une histoire d’amour enfantine, Patrick Cauvin décline à sa façon ce thème largement galvaudé dans son roman E=MC2, mon amour, paru aux éditions Jean-Claude Lattès en 1977.

       Lui, c’est Daniel. Il a 12 ans et vit à La Garenne, dans la banlieue parisienne. C’est un excellent élève qui s’apprête à passer en 5ème et qui a pour principale passion le cinéma américain. Elle, c’est Lauren. Elle a 12 ans et vit dans les beaux quartiers de Paris. C’est une excellente élève, surdouée, américaine, dont les parents travaillent en France ; elle a pour principale passion les mathématiques et le théâtre de Racine. Tous deux se rencontrent pendant les grandes vacances, dans une ville d’eau ennuyeuse. Assez vite, c’est l’amour fou. Vient la rentrée. Il faut alors composer avec les parents et l’école pour se voir. La galère, quoi ! Alors, ras-le-bol : les deux pré-ados amoureux entament une fugue vers Venise. A leur retour, les parents de Lauren décident de rentrer en Amérique pour séparer leur fille de Daniel, cet être nuisible.

       Avec E=MC2, mon amour, Patrick Cauvin dresse le portrait de deux enfants que tout oppose, à priori, mais qui sont cependant faits pour s’aimer. D’abord, il y a le milieu social des deux protagonistes : lui vient de la banlieue, d’une famille de prolos ; elle vient des beaux quartiers parisiens, d’une famille bourgeoise. Ensuite, les goûts des deux enfants divergent : le cinéma américain pour lui, le théâtre de Racine pour elle. Enfin, leur langage n’est pas le même : celui de Daniel est truffé d’argot, celui de Lauren est plus châtié, même si, peu à peu, elle se met plus ou moins à parler comme son aimé. Mais fi de ces différences ! Les deux enfants sont des surdoués, les grandes histoires d’amour du cinéma américain rejoignent celles du théâtre classique, et puis, rencontrer une américaine pour Daniel qui rêve de Jane Russel ! Quelle aubaine ! 

       Alors, qu’en est-il de cette histoire d’amour, simple, implacable et géniale comme une équation mathématique, en l’occurrence, celle de la relativité restreinte d’Einstein ? Il est cependant vrai que toute équation renvoie souvent à une réalité extrêmement complexe… et c’est ce à quoi nous mène un peu le roman. L’amour entre Daniel et Lauren a beau être évident, il est cependant difficile et compliqué à vivre au quotidien à cause des parents et de l’école. Comme dans le théâtre racinien, il y a des obstacles, comme dans le théâtre racinien, ces obstacles conduisent à la séparation des amants. Voilà pourquoi Lauren aime à ponctuer les événements vécus d’un beau vers de Racine qu’elle remanie à sa sauce ! Elle est elle-même une héroïne racinienne ! Car les amours enfantines, - entendons, le premier grand amour – ne sont pas choses à prendre à la légère ! Elles sont aussi intenses, aussi sérieuses que celles des adultes…

     En effet, ensemble, Daniel et Lauren découvrent non seulement l’amour, mais font aussi des expériences nouvelles : expérience de la première cuite, du premier film porno visionné en cachette, expérience de la liberté à Venise. Ils nous livrent également leur vision du monde des adultes.

      Pour tout dire, je me suis un peu ennuyée en lisant E=MC2, mon amour : l’ensemble, écrit d’une manière dynamique qui restitue la vivacité du langage des jeunes, est cependant extrêmement conventionnel, cul-cul et gnangnan. Bien entendu, les amours enfantines sont pures : pas d’expérience sexuelle… Pas même une main dans la culotte. Lorsque Lauren voit son premier film porno, elle est choquée, elle pleure dans les bras de Daniel qui la réconforte, lui aussi vaguement dégoûté par la chose. Bien entendu, les deux enfants se comprennent sans se parler : c’est en se regardant les yeux dans les yeux qu’ils décident de prendre le large vers Venise. Et que dire de cette destination tout ce qu’il y a de plus conventionnel ? Tu es un amoureux très romantique ? Emmène donc ton aimée dans une gondole à Venise ! Faire une photo sur le pont des soupirs ! Ah ! Quelle originalité !

      Enfin, que dire de la causticité du regard des deux personnages sur leur entourage ? Les prolos sont ploucs, les bourges sont coincés dans des tas de codes sociaux basés sur l’apparence, l’école, c’est barbant… Bref, rien de bien révolutionnaire. A tous les niveaux, on nage dans le poncif.

      Ainsi, E=MC2, mon amour est un roman-bluette bien gentillet, un rien niais avec un final « gros-Jean comme devant » : les parents séparent les enfants. Alors hasta la vista baby et E=MC2 comme mot d’adieu final qui laisse planer l’ombre de retrouvailles aussi sûres que deux et deux font quatre. Cependant, à ce stade-là du roman, il y a déjà bien longtemps qu’on s’en bat les flancs, du supposé futur mariage en blanc et à l’église de Daniel et de Lauren avec voyage de noces en Italie, et lune de miel à Florence.



12/05/2015
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