LECTURES VAGABONDES

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Natascha Kampusch : 3096 jours/Natascha, jour après jour

     

    On se souvient tous du battage médiatique qu’il y a eu autour de la réapparition de celle qui avait disparu depuis si longtemps qu’on croyait morte et plus que morte : Natascha Kampusch. Le témoignage que celle-ci a écrit au sujet de sa longue et incroyable détention s’intitule 3096 jours et parait en France aux éditions Jean-Claude Lattès en 2010.

 

          Natascha Kampusch n’est pas très chanceuse. Ses parents sont séparés ; elle vit dans une laide banlieue de Vienne ; elle est mal dans sa peau, un peu boulimique, un peu obèse. Elle se sent mal aimée de sa mère et souffre d’énurésie. Sa vie va basculer le 2 mars 1998, lorsque Wolfgang Priklopil l’enlève dans une fourgonnette blanche. A l’époque, il y a de nombreux cas d’enlèvement d’enfants qui finissent assassinés et Natascha est d’autant plus effrayée lorsqu’elle se rend compte qu’elle aussi est victime de cette horrible chose. Pendant 3096 jours, soit plus de 8 ans, elle vivra sous le joug de son oppresseur – Wolfgang Priklopil – dans un très petit cachot insonorisé. Elle sera victime des pires sévices : faim, coups et blessures, harcèlement psychique qui vise à la convaincre qu’elle n’est qu’une moins que rien. Pourtant, Natascha aura aussi droit à une certaine forme de tendresse de la part de Priklopil ; en effet, de temps à autre, il lui offre des friandises, il lui permet de prendre un bain dans sa maison ; vers la fin de son calvaire, Natascha pourra même sortir de son cachot pour aller travailler sur un chantier avec son geôlier, ou encore profiter d’une virée dans la nature. Peu à peu, elle acquiert un mental d’acier et décide que lorsqu’elle aura 18 ans, elle sera grande et aura alors la force de s’évader. Un jour d’août 2006, alors qu’elle se trouve dans le jardin, elle profite d’un moment d’inattention de Priklopil pour s’enfuir. Les retrouvailles avec la vie normale sont difficiles d’autant plus que Natascha doit faire face à la notoriété et à la vindicte publique lorsqu’elle affirme son attachement à l’égard de son tortionnaire – qui, soit-dit en passant, s’est suicidé en se jetant sous un train. Sa véritable liberté commence lorsqu’enfin le battage médiatique qui s’est fait autour d’elle et de son histoire se calme et lorsqu’elle peut enfin entreprendre le récit de ses longues années de captivité – avec la collaboration de Heike Gronemeier et de Corrina Milborn.

 

          A travers 3096 jours, Natascha Kampusch nous livre un récit assez glaçant de ses 8 années d’enfermement. Les sévices qu’elle a eus à subir sont multiples, récurrents et extrêmes ; on se demande alors comment elle a su résister à tant de maltraitance. En effet, la jeune fille reçoit des coups et encore des coups jusqu’à être assommée. Par la suite, Priklopil continue à frapper là où la plaie est ouverte, ce qui compromet la cicatrisation. Pourtant, bien évidemment, jamais elle n’ira à l’hôpital. De plus, Priklopil la laisse jeûner pendant de longues périodes. La torture morale est aussi le lot quotidien de Natascha. Elle doit renoncer à son prénom, elle est convaincue que personne ne l’aime, qu’elle est abandonnée de tous, elle a le crane rasé, comme les bagnards.  

          Par ailleurs, le récit est minutieux à tel point qu’on entre littéralement dans la tête de la victime. Ainsi, la détention est-elle aussi racontée de l’intérieur. Les relations avec son geôlier sont ambivalentes. Certes, de la haine, elle en éprouve et on comprend pourquoi. Ce qui paraît plus surprenant, c’est l’attachement qu’elle éprouve à l’égard de Priklopil car de l’attachement, elle en éprouve celui qui est son seul point de repère pendant 8 ans et qui correspond aussi à la main qui la nourrit – même mal. C’est ce qu’on appelle le syndrome de Stockholm.

         Enfin, dans 3096 jours, Natascha Kampusch livre un portrait assez nuancé de son geôlier, Priklopil. S’il se présente souvent à elle de manière violente, il a su, parfois, être tendre avec elle. De l’extérieur, il semble être insignifiant ; aux yeux du monde, il a l’air gentil, propre sur lui. Mais Priklopil, c’est aussi quelqu’un qui a besoin d’amour et de reconnaissance. Voilà pourquoi il sait se montrer méchant et cruel lorsqu’il estime que Natascha le provoque et lui fait part du dégoût qu’elle a de lui.

          J’ai été donc étonnée de la qualité de ce récit. Natascha Kampusch n’étant pas écrivain, elle s’est adjoint l’aide de Heike Gronemeier et de Corrina Milborn. Certes, l’ensemble est assez répétitif, défaut bien compréhensible. Car comment ne pas se répéter quand on reste cloitré dans 4 mètres carrés, et que les 3096 jours se suivent et se ressemblent tous ?



21/11/2021
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