Margaret Atwood : Le tueur aveugle /Margaret m’a tuée d’ennui.
Allons donc, cette fin d’année 2012 est marquée, pour moi, par tant de lumières et d’étourdissements ! Noël, Nouvel An, mais aussi un grand mariage dans la famille ! Que d’illuminations et de couleurs ! Voilà qui contraste avec le livre – tout en noirceur - que je propose en cette veille de réjouissances : Le tueur aveugle écrit par Margaret Atwood et paru en 2002 aux éditions Robert Laffont.
Le roman est composé de plusieurs récits qui s’emboîtent les uns dans les autres. Iris Chase, femme vieillissante et solitaire, termine sa vie en compagnie de sa servante, Myra. Cependant, avant de mourir, elle tient à raconter sa vie par écrit pour sa petite fille, Sabrina. Elle porte avec elle un lourd secret dont elle veut se libérer. Ces deux récits sont interrompus par différents chapitres d’un roman écrit par Laura, la sœur d’Iris, désormais décédée. Ce roman s’intitule le tueur aveugle et rapporte une passion clandestine entre une femme et un homme mystérieux qui se plait à raconter des histoires imaginaires à sa bien-aimée. Et puis, ça et là, sont insérés des articles de journaux de différentes époques.
Le récit le plus intéressant est incontestablement celui de la vie d’Iris et de Laura, deux femmes qui peinent à trouver leur place dans un monde où tout est dirigé par les hommes. Issues d’une famille d’industriels plutôt aisés, les deux jeunes filles passent de l’emprise de leur père à celui du mari d’Iris, Richard Chase, riche homme d’affaires, après le décès du premier. Richard est violent, autoritaire ; ses relations avec Laura, sœur d’Iris, sont troubles. Jamais Iris n’a su exactement ce qui s’est réellement passé entre eux : sans doute ont-ils eu une liaison clandestine ; sans doute Richard a-t-il fait interner Laura pour faire passer un enfant indésirable. Ainsi, Laura reste-t-elle un personnage mystérieux, énigmatique. Le lecteur pense jusqu’au bout qu’elle est l’auteure du roman Le tueur aveugle, et que ce roman s’inspire d’une liaison qu’elle aurait eu avec Alex, un communiste activiste qui vit de manière plus ou moins clandestine. Ce n’est qu’à la fin que le lecteur découvre que l’auteure véritable de ce roman, c’est Iris ; que c’est elle qui a eu une liaison avec Alex ; que sa fille, Aimée, a été conçue avec celui-ci et non avec Richard, le mari violent.
Le roman Le tueur aveugle dont les différents chapitres s’intercalent dans le récit de la vie d’Iris, est composé pour moitié des histoires imaginaires que l’amant raconte à sa maîtresse pour la divertir. Ces histoires sont d’un registre totalement différent et s’apparentent à de la science-fiction. Sur une mystérieuse planète, de jeunes vierges à la langue coupée doivent être sacrifiées régulièrement. L’une d’entre elles sera sauvée par celui qui devait la tuer et qui tombe amoureux d’elle : ce tueur a la particularité d’être aveugle. D’autres récits tout aussi baroques émaillent les rencontres des deux amants. J’ai vraiment eu du mal à accrocher à ce roman dans le roman – le tueur aveugle – même s’il est évident que le but de sa présence dans l’ensemble de l’œuvre, c’est d’offrir un contrepoint amoureux à l’histoire du mariage bien peu épanouissant d’Iris avec Richard.
Par ailleurs, l’histoire du tueur aveugle est une parabole destinée à illustrer la difficile condition des femmes dans le mariage : muettes, elles n’ont pas le droit à la parole et leur vie est sacrifiée dans une relation sclérosante et insatisfaisante. Laura, la sœur d’Iris meurt dans un accident de voiture dont on se demande s’il n’est pas un suicide masqué : c’est qu’elle est sans doute tombée dans les griffes du très respectable Richard qui l’a forcée à avorter. La mère d’Iris et de Laura est morte couches : une troisième grossesse qui s’est très mal passée. Mais les femmes ont-elles le droit de se révolter contre le mari qui les engrosse malgré une condition physique qui ne le permet pas ? Iris a-t-elle le droit de refuser de se plier au devoir conjugal que lui impose son mari, Richard, homme violent ? D’une manière ou d’une autre, ce qui tue les trois femmes du roman ou les empêche de vivre pleinement, ce sont les hommes, les maris, tueurs bien malgré eux : ce sont des tueurs aveugles.
En contrepoint, également, sont proposés des articles de journaux de différentes époques qui rendent compte, par exemple, de très brillantes réceptions où Iris était très belle, très bien vêtue ; de discours anti-communistes très applaudis du très respectable Richard ; de faire-part de décès. Ces articles permettent au lecteur d’avoir un regard extérieur sur les personnages très en vue dans la bonne société. Rien ne transparaît alors de la tristesse de leur vie réelle.
Ainsi, le tueur aveugle est un roman dont la principale caractéristique est la complexité de sa construction. Cependant, l’ensemble est très lent et parfois quelque peu ennuyeux : peut-être à l’image de la vie étouffante des personnages féminins enfermés dans des mariages de convenance et aussi dans de très belles demeures. Même si Margaret Atwood dispose d’une écriture nuancée et subtile, elle a eu bien du mal à capter totalement mon intérêt tant elle développe encore et encore des considérations qui ne m’ont pas paru essentielles au roman. Cependant, il faut bien reconnaître le brio de l’ensemble.
Et puis, que toutes les considérations très noires de Margaret Atwood sur le mariage n’entachent pas celui que nous nous apprêtons à célébrer dans la famille ! En tout cas, les futurs mariés sont très beaux et très sincèrement heureux… pour toujours, je l’espère.
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