Laura Kasischke : Rêves de garçons / entre rêves et réalité…
Entre rêves et réalité… voilà un titre bien convenu, mais tout à fait approprié à un article de critique sur ce roman de Laura Kasischke : rêves de garçons, paru en 2007 aux éditions Christian Bourgeois éditeur.
Kristy Sweetland a 17 ans. Cet été là, elle part en colonie de vacances à Pine Ridge, dans l'Indiana, avec l'équipe de pom-pom girls dans laquelle elle officie après les cours, au lycée. Pour échapper à une corvée d'abdominaux, la jeune fille et deux de ses amies, Kristi et Desiree, filent en douce vers le lac des amants : arrêt dans une station service pour se sustenter. Nos trois copines aperçoivent un break assez pourri dans lequel deux garçons leur sourient. Kristy leur sourit à son tour… c'est le début d'une « course-poursuite » : les garçons suivent les filles jusque dans le camp de Pine Ridge où elles sont bientôt de retour.
Rêves de garçons se présente donc exactement comme un film de série B, genre dans lequel on trouve le meilleur, mais aussi – hélas - bien plus souvent, le pire.
J'ai beaucoup aimé le début du roman… les trois filles dans la station service, la chaleur écrasante, le pompiste édenté… ambiance de bout du monde… un break et deux garçons en mal de drague, des bouseux du coin, qui n'ont pas grand-chose à se mettre sous la dent en temps ordinaire. Tout cela laisse présager le meilleur, le truc qui te prend aux tripes, à la gorge, et ne te lâche plus de la soirée : cauchemars ou nuit blanche en perspective… on pense à l'excellent massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper ou encore, au non moins excellent Wolf Creek de GregMcLean.
Hélas, très vite, l'affaire tourne court, les filles rentrent au camp : elles font brutalement demi-tour, se rendent compte, alors, que les garçons les suivent, puisqu'elles les croisent en sens inverse… dès lors, on est plongé dans l'ambiance camp de vacances pour adolescentes en mal de garçons avec les légendes du coin (histoires de noyées-revenantes, par exemple) en toile de fond pour se faire peur : on songe alors à la malheureuse série des Vendredis 13 et encore !...j'ose dire que le roman n'a pas la « nervosité » (le mot est ici un peu impropre, mais adéquat si on compare le roman au film) d'un seul – même le moins bon – des Vendredis 13.
Mollesse : tel en effet est le maître-mot de ce roman qui m'a semblé, à de maintes reprises, bien poussif. Pour combler la minceur du scénario, Laura Kasischke n'a pas trouvé mieux que d'ouvrir de larges pans sur le passé de Kristy, sa vie au lycée… le roman est truffé d'anecdotes à l'intérêt variable… au début, toutes ces petites histoires qui viennent s'ingérer à la trame principale donnent de la densité à l'ensemble, elles épaississent le personnage principal. Mais très vite, elles prennent le pas sur le roman lui-même au point qu'on se demande si l'intrigue de la « course-poursuite » avec les garçons n'était pas un rêve !
Certes, Laura Kasischke semble vouloir privilégier l'ambiance : voilà pourquoi également, elle s'appesantit sur la description et l'évocation de la nature environnante : le vacarme assourdissant des cigales, la noirceur de la nuit ou de l'eau du lac, l'ombre des arbres sur le sol… cependant, ici, l'ambiance n'est là que pour relever une intrigue quasiment inexistante, de laquelle le suspense a vite fait de s'échapper… ainsi, ces passages descriptifs finissent-ils aussi par paraître longuets.
A quelques endroits dans le roman, et particulièrement la nuit, les amies de Kristy ont revu les garçons rôder dans le camp… si bien qu'on se demande si elles ont rêvé, si les garçons sont des maniaques sexuels ou s'ils sont des fantômes… ce n'est qu'à la fin qu'un certain nombre d'hypothèses est levé.
Enfin, la quatrième de couverture annonçait une œuvre qui « s'attache à détourner avec beaucoup de férocité certains clichés de l'Amérique contemporaine »… il faudra qu'on m'explique, le « férocement » : car si d'une part, Laura Kasischke utilise tous les clichés du cinéma série B, (arrêt dans une station service écrasée de soleil, ambiance lourde de chaleur, baignade dans un lac autour duquel grouille tout un tas de légendes liées à la mort…), elle ne les met jamais à distance, ne les parodie pas : il ne s'agit donc pas d'égratigner les ficelles du genre, mais de les utiliser toutes de manière romanesque. Si d'autre part Laura Kasischke met en scène un univers adolescent, celui-ci reste très superficiellement traité (à la manière des films de série B) et la fin, un peu grinçante, il faut bien le dire, est insuffisante pour rattraper ce qui n'a pas été fait durant les 230 pages précédentes.
Reste le titre… assez énigmatique : il n'éclaire pas le roman, ne laisse pas présager cette sorte de thriller horrifique : ce que prétend offrir le livre. Le rêve des garçons serait-il de croiser des filles dans une vieille station service du fin fond de l'Indiana, d'entrapercevoir leurs seins, et de les suivre de manière lubrique ? C'est vraiment avoir peu de considération pour les garçons à l'âge de l'adolescence !
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