Jacques Duquesne : La trilogie Maria Vandamme (tome 2) - Alice Van Meulen
Nous voici donc devant le second tome de la saga Maria Vandamme dont Jacques Duquesne est l’auteur. Dans Alice Van Meulen qui parait en 1985 aux éditions Grasset, nous retrouvons de nombreux personnages issus du premier opus : Maria Vandamme, son mari Blaise Riboullet, le bon docteur Dehaynin, mais aussi, la famille Rousset dont est issue Alice, leur fille, et au sein de laquelle Maria fut bonne à tout faire.
Nous sommes à la fin du XIXème siècle, sous la IIIème république. Alice Van Meulen, veuve de Florimond Van Meulen, est désormais à la tête de l’industrie des bières Van Meulen, industrie qu’elle développe en étendant et en diversifiant son activité. Certes, être une femme et diriger une si grande affaire toute seule n’est pas facile mais Alice est dotée d’un caractère fort. Elle rencontre Pierre Vandrome, constructeur de bateaux qui, à priori ne ressent rien pour elle, tandis qu’Alice, de son côté, tombe immédiatement sous son charme. Cependant, une certaine rumeur poursuit Pierre Vandrome qui est accusé de tremper dans le trafic de tabac avec la Belgique. La preuve ? Un de ses navires transportant du tabac aurait été retrouvé, fracassé au large de la mer du nord. Alice fait de ses pieds et de ses mains pour démarcher des connaissances qui auraient le pouvoir de faire cesser ces rumeurs. Cependant, la jeune femme a aussi à résoudre le problème de son fils, psychologiquement perturbé et victime de crises fréquentes. Le docteur Dehaynin, un ami très proche d’Alice, lui conseille de laisser son fils chez Maria Vandamme qui saura le soigner. C’est ainsi que le petit Félicien se retrouve en pension à Dunkerque, chez Blaise Riboullet et Maria Vandamme, qui, avec le garçonnet, fait des merveilles. Cette situation – Dunkerque - permet à Alice de se rapprocher de Pierre Vandrome parce que son affaire est implantée dans cette ville. Cependant, la jeune femme découvre que son Pierre bien-aimé a une maîtresse ; elle s’appelle Mathilde ; c’est une aventurière que Pierre connait depuis longtemps et qu’il laisse bien vite tomber. Il faut dire que le charme d’Alice a fait effet sur lui. Un soir, en la croisant dans un hall d’hôtel à Dunkerque, Alice l’a subrepticement demandé en mariage. Mais Pierre, déboussolé, n’a pas répondu. C’est grâce à Félicien, le fils d’Alice, que le rapprochement s’opère. En effet, l’enfant, au début réticent face à Pierre, le considère peu à peu comme un ami. Il faut dire que Pierre lui a donné une belle maquette de bateau, l’a sauvé de la mer dans laquelle il était tombé, lors d’une brève fugue. Enfin, lorsque l’enfant apprend que le nom de Pierre a été sali par de fausses accusations et que les gendarmes vont l’arrêter, il fugue à nouveau dans l’intention d’avertir Pierre – même si, entre temps, l’affaire a été résolue et Pierre lavé de tout soupçon. Ainsi, lancés ensemble à la recherche de Félicien, réfugié chez sa grand-mère, Alice et Pierre ont le temps de s’avouer leur amour et de se demander en mariage, mariage qui fait le bonheur de tous.
Avec Alice Van Meulen, Jacques Duquesne nous plonge dans l’univers de la bourgeoisie du nord de la France, particulièrement celle des entrepreneurs qui font fleurir une affaire d’origine familiale. Pour ce faire, l’auteur a choisi deux branches emblématiques de l’industrie du nord : la bière et les chantiers navals de Dunkerque. Cependant, je dois bien avouer que Jacques Duquesne n’est pas à l’aise avec la peinture sociale de ce milieu et qu’il le traite de manière superficielle. Etrangement, la bourgeoise Alice Van Meulen nous entraine davantage dans le milieu populaire ou ouvrier du nord qu’elle va découvrir au hasard de sa rencontre avec Pierre Vandrome. D’ailleurs, dans ce roman, on retrouve l’héroïne du premier tome de la saga : Maria Vandamme et pas qu’un peu.
Certes, Jacques Duquesne a l’ambition de dresser le portrait d’une femme forte, qui parvient sans l’aide d’un homme dans une activité réservée aux hommes : la brasserie. Veuve, elle est censée mener à la baguette l’affaire des brasseries Van Meulen et mettre au point de nombreux projets destinés à développer l’entreprise. Cependant, il est déplorable de constater qu’au fil des pages du roman, Alice Van Meulen passe son temps à courir après un homme comme une midinette et non pas à gérer son entreprise et à se battre pour se faire une place respectable dans un monde d’hommes. D’aucuns pourront dire qu’elle se jette à sa tête de Pierre Vandrome et qu’il n’est alors pas commun pour une femme de faire le premier pas en amour… mais c’est finalement tout ce qu’a trouvé Jacques Duquesne pour bien faire comprendre au lecteur que son héroïne est une battante – car, je le répète, à la tête de ses brasseries, on ne la voit guère ; on sait vaguement qu’elle veut à la fois diversifier son affaire en ne vendant pas exclusivement de la bière, et qu’elle veut aussi étendre son empire vers la Belgique.
Avec Alice Van Meulen, Jacques Duquesne cherche aussi à nous plonger dans l’ambiance de la fin du XIXème siècle, sous la IIIème république. Ainsi, il fait souvent allusion à la querelle des républicains et du clergé qui donnera lieu à la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, en 1905. Également, à l’époque où se déroule le roman, montent en puissance les sciences et les technologies : la fée électricité commence à se répandre, et l’auteur fait aussi allusion à l’exposition universelle où sont exposées toutes les nouveautés en matière de technologie. Nos héros sont tous deux très épris de progrès technique et le roman se termine sur leur volonté de se rendre à l’exposition consacrée à la fée électricité… manière un peu naïve de faire comprendre au lecteur qu’ils sont sur la même longueur d’onde et que leur union sera sans doute heureuse.
Enfin, il m’a semblé que l’intrigue d’Alice Van Meulen était sans grand intérêt. On a finalement affaire ici à une bluette classique : une femme et un homme se rencontrent, tombent amoureux - sauf qu’ici, c’est la femme qui court après l’homme. Comme dans toute bonne bluette qui se respecte, il y a des obstacles à franchir pour parvenir à la fin heureuse : une maitresse ici vite évincée (on se demande ce que l’aventurière Mathilde vient faire dans ce roman), une histoire de fausse rumeur qui entache la réputation de Pierre Vandrome (soporifique à souhait), enfin, un enfant issu du précédent mariage d’Alice avec Florimond Van Meulen, Félicien, qui pourrait être un obstacle à l’amour qu’éprouve désormais sa mère pour un autre homme ; heureusement, il n’en est rien puisque Pierre fait preuve d’à-propos en lui sauvant la vie – rien que ça !
J’ai déjà évoqué les défauts du premier tome de la série : Maria Vandamme. Ce second intitulé Alice Van Meulen est en deçà du premier. Alors que dirai-je du dernier – intitulé Catherine Courage - si la courbe poursuit ainsi sa route vers le bas ? Qu’il faudra du courage pour terminer la trilogie ? On ne le l’espère pas !
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