LECTURES VAGABONDES

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Ian McEwan : Expiation/Lecture expiatrice… ou pas.

 

 

          S’il est un écrivain qui manque à ma culture, c’est bien Ian McEwan car l’homme jouit d’une réputation bien établie aux Etats-Unis et en Europe. Le roman Expiation est considéré comme un chef d’œuvre et a fait l’objet d’une adaptation cinématographique sous le titre Reviens-moi réalisé par Joe Wright. Expiation est donc le premier roman de McEwan que je lis ; il a paru en 2003 aux éditions Gallimard.

 

          Nous sommes en Angleterre, quelques années avant la seconde guerre mondiale. La jeune Brioni Tallis se sent une âme d’écrivain et s’apprête à mettre en scène sa première pièce de théâtre pour une petite fête de famille – qui est en effet réunie, cet été-là. Certes, la représentation échoue, mais d’autres événements vont précipiter cette fête dans le drame. Robbie Turner est amoureux de la sœur de Brioni : Cécilia. Il lui fait une déclaration d’amour écrite – mais se trompe de lettre et lui envoie un mot salace, en réalité – qu’il remet à Brioni, chargée de jouer les postières. Mais la jeune fille lit la lettre et plus tard, elle surprend les deux jeunes gens en plein acte sexuel dans la bibliothèque. Sans doute par jalousie – car Brioni est secrètement éprise de Robbie – alors que les jumeaux ont disparu et que Lola, la cousine, a été violée, Brioni accuse Robbie de ce méfait. Le jeune homme est arrêté et envoyé en prison.

Il continue d’échanger des lettres d’amour avec Cécilia et s’engage comme soldat alors que s’ouvre la seconde guerre mondiale. Robbie est blessé et dans la débâcle qui accompagne la guerre éclair, il tente de regagner Dunkerque puis l’Angleterre pour retrouver sa bien-aimée. De son côté, Brioni est devenue infirmière et tente d’expier le mensonge qui a fait basculer la vie de sa sœur et de Robbie. A Londres, elle voit les horreurs de la guerre sur les corps des soldats blessés. Désormais, elle a pleinement conscience que celui qui a violé Lola n’est autre que celui qui est devenu l’époux de celle-ci : Marshall, un riche entrepreneur. Plus tard, Brioni revoit sa sœur qui vit avec Robbie et leur promet à tous deux de revenir sur son témoignage. Les années passent. En 1999, Brioni, à l’heure où sa mémoire va bientôt lui faire défaut, est devenue écrivaine. Son dernier roman raconte son histoire, celle de Cecilia, celle de Robbie. Mais la vérité, elle ne l’a pas encore fait paraître : en réalité, jamais Robbie et Cecilia n’ont vécu ensemble car Robbie est mort de septicémie à Dunkerque tandis que Cecilia a trouvé la mort lors d’un bombardement du métro de Londres.

 

          Expiation se déploie en quatre grandes parties qui contrastent les unes par rapport aux autres. Tout d’abord, nous pénétrons dans la réunion d’une famille anglaise nantie, réunion qui n’en est pas une sauf en apparence. Les personnages sont évoqués plutôt indépendamment les uns des autres dans leur perception individuelle de l’action. Ainsi, le lecteur ne sait rien de l’action véritable – pourquoi les jumeaux ont-ils disparu ? Que s’est-il réellement passé en ce qui concerne le viol de Lola – puisque jamais le point de vue de ces personnages n’est évoqué ? Par contre, le roman déploie le point du vue de personnagess externe aux événements. Emily, la mère de Brioni et Cécilia, sujette aux migraines, couchée dans sa chambre, Brioni, sa fille, qui joue un rôle important dans l’économie du roman puisque c’est son mensonge qui brisera la vie de sa sœur et de Robbie. Cette partie lente laisse un arrière-goût crépusculaire qui sied bien à cette sensation de fin d’une époque avant le grand bouleversement induit par la guerre. D’ailleurs, cette partie se déroule sur une journée qui devait être une journée de fête et qui s’achève la nuit, par un drame.

La seconde partie est consacrée à Robbie Turner et à son épopée tragique à travers le nord de la France à feu et à sang – direction Dunkerque pour rentrer en Angleterre et retrouver Cécilia. Nous sommes en 1940 et c’est la Blitz Kriek. Cette partie constitue un contrepoint à la première. Au drame familial succède le drame collectif. A l’eau – largement présente dans la première partie à travers les différents bassins et fontaines du parc de la demeure des Tallis – succède le feu des bombardements. Et l’horreur, et le désarroi. Les images de corps démembrés, de familles qui errent sur les routes, de matériel militaire abandonné, incendié, jalonnent ce périple qui aurait pu être tellement beau ! C’est la fin du printemps, et le soleil, indifférent à la folie humaine, darde ses rayons généreux sur la campagne qui renait, entre deux incendies.

          Enfin, la dernière partie nous plonge aussi dans l’horreur : Brioni est infirmière et soigne les blessés de guerre aux plaies horribles. Elle partage, parfois, les derniers instants de jeunes soldats fauchés dans la fleur de l’âge. Ces soldats auraient pu être autant de Robbie - qui mourra de septicémie avant d’embarquer pour l’Angleterre.

          L’épilogue, enfin, laisse entrevoir la vérité. Brioni est devenue écrivain et ce qui a été donné à lire précédemment n’est qu’une longue entreprise d’expiation des conséquences du mensonge dont elle est responsable et qui a entrainé la mort d’un amour naissant : celui de Robbie et de Cécilia, sa sœur. Ils sont en effet séparés par la prison puis séparés de leurs familles et anéantis par la guerre. Pourtant, ces amants ont vécu leur amour, par le biais du roman qui raconte leur histoire en partie fantasmée. Le roman pose donc la question du rapport de la littérature au réel et de son pouvoir de transfiguration.

          Voici donc l’heure du verdict final : ce roman est-il plaisant ? Il est très long et très lent et on s’ennuie plutôt beaucoup pendant cette longue traversée du désert. Certes, l‘écriture est dense, certes, il y a un travail de construction et de réflexion sur la littérature et la création littéraire, mais justement, ce parti-pris moderne qui décrète (parfois) que le roman doit abandonner sa fonction purement narrative pour explorer d’autres perspectives a, lui aussi, fait long-feu. Ainsi, donc, l’histoire, dans Expiation, n’est peut-être pas l’enjeu majeur, et c’est regrettable, car j’ai eu du mal à trouver l’intérêt de cette succession d’impressions, d’images, de réflexions introspectives.

          Mais finalement, je ne regrette pas cette découverte de Ian McEwan et sans doute y goûterai-je à nouveau bientôt car bien qu’ennuyée, je me suis aussi laissée entrainée dans les mailles resserrées de cette écriture particulière et fascinante. A vous de voir !

 

 



30/08/2020
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