Francis Mizio : Buffet à volonté / lecture à volonté.
Pour cet avant dernier week-end du mois d’Août, j’ai choisi un livre qui va nous permettre de replonger un peu – pas beaucoup - dans les regrettées vacances d’été avant la torture de la rentrée. Dans buffet à volonté, paru en 2003 aux éditions Par hasard Francis Mizio raconte une semaine de vacances estivales dans une ville balnéaire - plus précisément dans un centre de vacances - au bord de la grande bleue.
En 2002, Francis Mizio connait des difficultés personnelles, professionnelles et financières. Pour offrir à ses enfants des vacances, il accepte de se charger d’un atelier d’écriture dans un club de vacances : en échange, toute la petite famille est logée et nourrie au sein de l’établissement pour une semaine, et c’est cette fameuse semaine qui fait l’objet du roman. Ainsi, point d’intrigue réelle : Buffet à volonté, c’est avant tout une satire virulente des villages-vacances et, de manière plus large, l’auteur offre aussi un regard navré sur la société actuelle.
Arrivée au club de vacances : lauriers-roses et béton. Voilà en deux mots, le cadre dans lequel va se dérouler cette fabuleuse semaine de vacances. Je passe très vite sur la studette allouée à chaque famille : douche minuscule et pleine de calcaire, lits superposés, balcon en cours de désagrégation… Bref, on est loin des hôtels haut de gamme… Bienvenue au paradis des vacances populaires. C’est avec beaucoup d’humour que Francis Mizio s’attaque à l’épineux problème de la bouffe… Car, eh oui ! En vacances, on aime prendre son temps à table, devant un petit rosé, une grillade et de bons produits d’été bien goûteux. Pour le coup, au club de vacances, c’est buffet à volonté ! On va s’en foutre jusque là… des carottes râpées, des carottes râpées et encore des carottes râpées ! Ah oui ! Il y a aussi du museau vinaigrette pour les amateurs et pas grand-chose d’autre à se mettre sous la dent. Tant pis. Il reste, les activités ludiques proposées par le club : quelques ateliers - dont celui de pâte à sel - des excursions, des soirées à thème… Il va sans dire que l’atelier d’écriture de Francis Mizio est loin de rencontrer le succès escompté : d’ailleurs, il n’y a aucun livre, dans ce club de vacances où les seules revues que l’on peut trouver sont les mots fléchés de Guy Brouty.
Cependant, le roman va plus loin que la simple satire des hôtels-clubs à bas prix pour ploucs sans imagination. Francis Mizio s’en prend avec beaucoup de virulence au peuple qui accepte d’aller passer ses vacances dans ce genre d’endroit déprimant et abrutissant. D’une manière générale, c’est le principe du buffet à volonté que Francis Mizio dénonce : de plus en plus, les dominants nous leurrent avec ce concept pseudo-jouissif qui nous réduit à l’état végétatif de consommateur sans cervelle . D’accord, on l’a tous déjà entendu, le fameux refrain de la société de consommation débilitante ; il est toutefois bon de le rappeler de temps à autre : ça ne mange pas de pain, comme on dit parfois :
« Je voulais vous
dire : VOUS FAITES CHIER ! Vous faites chier de regarder la
télévision. Vous faites chier de ne pas vous servir de votre cerveau. Vous
faites chier de n’avoir aucun esprit critique. Vous faites chier de n’être plus
solidaires. Vous faites chier d’être dociles, serviles. Vous faites chier de
n’être ni curieux ni exigeants. Vous faites chier de consommer, d’être sales,
moches et bêtes. Vous faites chier de respecter l’ordre et la discipline. Vous faites chier d’admirer
les princes et les stars, les people et les dominants. Vous faites chier
d’élever si mal vos enfants. Vous faites chier de suivre la mode. Vous faites
chier d’aimer la publicité…. »
Et ainsi de suite.
Bien sûr, c’est un peu facile… Bien sûr, Francis Mizio estime sans doute qu’il ne fait pas partie du troupeau qu’il dénonce… Il ne regarde pas la télé ; il ne respecte pas la discipline ; en tant que père divorcé, il élève parfaitement ses enfants… Allons donc ! J’ai été, je dois le dire, un peu agacée par cette prose quelque peu condescendante à l’égard d’un système que l’auteur a exploité et alimenté, ne serait-ce que l’espace d’une semaine, ainsi que par cette révolte sans finesse, quelque peu adolescente, bien plus virulente dans la forme que dans le fond, lequel étant d’un convenu bien établi.
Reste à savoir si cette œuvre destinée à ouvrir les yeux du populo sur sa capacité à s’offrir des vacances intelligentes saura atteindre son but : en attendant, sur les plages, ce sont les Guillaume Musso et les Marc Lévy qui ont la palme d’or.
Ainsi donc, on ne peut que plaindre ce pauvre Francis Mizio dont le roman édité aux éditions « par hasard », ne sera lu que par hasard par quelque lecteur-ovni, qui, de retour d’un long séjour en Corse passé à camper près des rivières, à se prélasser tout nu et tout bronzé au soleil de plages quasi-désertes, à savourer les délicieux produits du terroir achetés et cuisinés sur place, ne sait si avec ce roman, il a prolongé ses vacances ou plongé avant l’heure dans l’univers impitoyable des grandes entreprises collectives et massificatrices… Allons donc ! Dans un peu plus d’une semaine, votre extravagante lectrice, cher Francis Mizio, ira savourer le super buffet à volonté à la cantine du lycée et participer aux activités ludiques de la rentrée. En attendant… Encore une semaine à poil dans mon jardin ! Alors ! Fi de toute cette chienlit et à bas les jolies colonies de vacances.
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