LECTURES VAGABONDES

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Eliette Abécassis : un heureux événement/ Quel malheur !


Après avoir été placée dans la catégorie suprême de mon blog pour la répudiée, voici la descente aux enfers d'Abécassis : catégorie « Poubelle » pour ce roman : un heureux événement, paru en 2005 aux éditions Albin Michel : ce bouquin m'a presque donné l'impression de lire du Balasko ! Sans doute un heureux événement est-il mieux écrit que Cliente ; sans doute, si vous le lisez, trouverez-vous que je suis injuste, mais l'ensemble divulgue cette idéologie féministe qui ruine la vie de certaines femmes - et par conséquent des hommes et des enfants qui les entourent – en prétendant les « libérer » de certains carcans et modèles machistes… Donc, poubelle !  

Barbara vit une intense passion amoureuse avec Nicolas… Un jour, ils décident d'avoir un enfant. Le couple donne naissance à la petite Léa, mais à partir de ce jour, plus rien ne va entre eux : ils n'arrivent plus à se retrouver l'un l'autre ni à gérer leur nouveau rôle de père et de mère.

Autant dire tout de suite que je n'ai pas trop aimé cette œuvre qui propose soi-disant de briser les tabous de la maternité sacralisée : Abécassis prétend, en effet, montrer à quel point la venue d'un enfant brise l'amour d'un couple et ruine la vie d'une femme. Une grosse connerie, quoi ! Faire un enfant !

D'abord, je ne comprends absolument pas pourquoi Abécassis, la juive croyante, s'en prend avec autant de violence au fait de faire un enfant…  - chose que les animaux qui n'ont pas d'états d'âme métaphysiques, à priori, accomplissent aussi, je crois bien – dans des passages mystico-philosophiques qui fleurent bon le café du commerce : 

« Ils font l'acte le plus commun et le plus inouï, qui consiste à reproduire l'humanité, en prenant en charge un petit d'homme. En étant responsable d'un autre, alors qu'ils ne le sont pas d'eux-mêmes. C'est vertigineusement banal. Ils se mettent à la place de Dieu, en toute innocence.

Après mûre réflexion, j'ai noté dans mon carnet trois bonnes raisons de faire un enfant :

Raison 1 : on s'aime.

Raison   2 : on a voyagé dans tous les pays atteignables.

Raison 2 : revient à ce que l'on appelle : la Menace de l'Ennui.

Raison 3 : j'ai passé  30 ans, et à l'approche des  40 ans, j'avais peur de vieillir. C'est la dernière ligne droite.

Raison 3 : revient à la Peur de la Mort.

Résumons. Pourquoi fait-on des enfants ? Par Amour. Par Ennui et par Peur de la Mort. Les trois composantes essentielles de la vie.

Faire un enfant est à la portée de tous, et pourtant peu de futurs parents connaissent la vérité : c'est la fin de la vie. »

 Mais là où l'on atteint le comble du comble, c'est lorsqu'Abécassis après avoir remis en cause l'acte naturel de procréation s'en prend au  fait d'avoir un corps de femme, ce qu'elle conçoit à la limite comme une injustice de Dieu faite aux femmes. N'importe quoi ! Je vous passe les pages sur la laideur des gros ventres, sur le fait d'accepter la présence d'un « alien » qui déforme et viole le corps des femmes : il faut bien choisir les pages les plus hystériques. Ainsi donc, celle sur la douleur de l'accouchement :

«  La femme est ainsi, alors ? Après avoir porté l'enfant pendant neuf mois, elle doit souffrir davantage pour le mettre au jour. Je pense à Eve au paradis, me demandant pourquoi elle a commis cette faute de manger le fruit tabou. Elle aurait pu penser à nous toutes. Et pourquoi une telle punition ? Est-ce bien raisonnable de souffrir autant ? (…) tu accouches dans la douleur car tu as mangé de l'arbre. Tu voulais être comme Dieu mais te voilà dans ta condition de mortelle, en train de te rouler par terre alors que tu te croyais éternelle. Tu te prenais  pour Dieu, tu te croyais éternelle, irréelle, spirituelle. Le serpent te flattait. Tu y as cru, l'espace d'un instant. Désormais, tu sais qui tu es : une femme ».

J'avoue que là, j'en ai eu un peu marre de lire de telles conneries teintées de relents bibliques.  Pour exprimer quoi ? finalement ? La haine d'avoir un corps de femme ? nettement moins pratique qu'un corps d'homme ! Je suis d'accord. Surtout pour faire pipi. Reste pour Abécassis la solution de la transsexualité, si vraiment son corps l'insupporte à ce point !

Ceci dit, je me souviens avoir lu un article scientifique qui exposait un projet : celui de réaliser une gestation complète ex-utéro… On n'arrête pas le progrès décidément. Et merci, au passage aux femmes et aux hommes qui ont bossé ensemble pour inventer la contraception, la péridurale et tout le toutim. Cependant, je crois que beaucoup de femmes n'ont pas vraiment envie d'aller plus loin dans l'allègement de leurs souffrances : on réservera donc le projet de ventre artificiel pour Abécassis.

Allez ! Pour en terminer avec le corps, une réflexion que je trouve quand même pertinente : celle de la présence du père au moment de l'accouchement. Bien sûr, c'est la mode depuis quelques années de partager ce moment en couple… Bof. Pendant des siècles, c'était une affaire de femmes, et c'était aussi bien, je crois.

« Je suis en train d'accoucher. J'entends un pas derrière moi, une respiration. Nicolas. C'est ainsi : on commence à être amoureux et on termine les pieds dans les étriers. On a peur d'éternuer devant l'autre, et on est là devant lui les jambes écartées, avec le sang qui coule, le sexe béant dans le grand traumatisme de la naissance. Une erreur monumentale, me dis-je, je suis en train de commettre une erreur monumentale. (…) Soudain, mon compagnon sort de la salle en courant ; Puis un fracas. Il vient de tomber évanoui. L'équipe soignante me délaisse pour s'occuper de lui. Plus tard, j'apprendrai qu'on avait pratiqué sur moi une épisiotomie pour laisser passer l'enfant. (….) Chacun a vécu cela pour lui, et chacun en est sorti seul, séparé. Je sais déjà qu'il y a l'avant et l'après. Lui, d'avoir vu ce qu'il n'aurait pas dû voir, moi de l'avoir vu ne pas supporter de voir. Moi, dans la honte de la nudité absolue de l'accouchement. Lui, dans l'horreur de la révélation du mystère de la vie. »

« L'horreur ? » … c'est vrai qu'il y a du sang, des trucs pas  très ragoûtants dans un accouchement, et qu'après avoir vu tout ça, il va falloir que l'homme désire à nouveau sa femme... Alors, peut-être vaut-il mieux laisser au médecin ce qui revient au médecin.  

Deuxième volet : l'enfant tue l'amour dans le couple.

«Que nous était-il arrivé ? Allions-nous retrouver notre vie d'antan ? Nos étreintes, nos caresses, nos mots d'amour… Ma vision du sexe après la grossesse était si différente. Cela ne me dérangeait plus de me montrer au gynécologue. Avant, j'étais gênée, désormais, c'était comme une main ou un pied, c'était désacralisé, cela avait été tellement été touché et d'une façon si organique que cela n'avait plus de sens. Le sexe était dehors, utilitaire. La sexualité n'existait plus. Parce que la sexualité, c'est la tabou, c'est le sacré. Si on le montre comme une main ou un bras, alors il n'y a plus rien de sexuel dans le sexe.

 L'érotisme ne se nourrit que de la limite et de l'interdit. Or la naissance avait brisé le tabou. Plus rien n'était sexuel. Le sexe même n'était plus sexuel, c'était l'inverse d'Adam et Eve au Paradis, je ne connaissais plus la pudeur, mon sexe était devenu endroit de passage, cousu et décousu, recousu. Je pouvais être grosse aussi, je n'avais plus honte. »

En voilà de ces pseudo-analyses psychologiques qui visent avant tout à se disculper d'un fait valable pour de nombreuses femmes qui deviennent mères : elles ont envie de se consacrer entièrement à leur enfant et n'ont plus d'autre désir que celui-là.  Personnellement, je ne comprends pas comment on peut comparer une visite chez le gynécologue qui se présente à toi en blouse blanche et gants de caoutchouc,  avec un spéculum tout froid qui te colle des crampes d'estomac et un câlin contre la peau chaude et douce d'un homme nu…

Par ailleurs, partout dans le roman, Abécassis semble résumer l'amour d'un couple à celui qu'on éprouve dans les premiers mois d'une rencontre… l'amour fusionnel, qui de toutes manières ne dure pas ! Je ne sais si on fait vraiment un enfant par amour… un peu quand même, certes. Mais si toutes les femmes devaient avoir eu des enfants avec chaque homme qu'elles ont aimé dans leur vie ! La France aurait un taux de natalité encore plus satisfaisant ! Il y a sans doute autre chose dans cette prise de décision… Un accord sur un projet commun à un moment donné d'une vie, de la confiance, et surtout un engagement pour un avenir où l'on n'est plus seulement un amant ou une maîtresse, mais aussi un père et une mère.     

Bref, Barbara quittera Nicolas, à la fin du roman, surtout parce que les galipettes ne sont plus aussi fréquentes qu'au début dans leur couple…. Elle a envie d'un autre homme. Cependant, la jeune femme aime sa fille, même si elle lui en veut de toutes les transformations que sa venue provoque dans sa petite vie. Alors, la chose que je ne comprends pas, c'est comment, lorsqu'on aime son enfant, qu'on se « sacrifie » pour lui… la première chose qu'on évacue de sa vie, c'est le père de ce dernier ? Quelle belle preuve d'amour maternel ! Quel sens des responsabilités vis-à-vis de l'enfant dont il faut désormais mener l'éducation !  

Quant au fameux couplet sur la femme qui renonce à sa carrière pour ses enfants ou qui, pire, se retrouve trois fois esclave ! Épouse, mère, et travailleuse ! J'ai même noté cette superbe contradiction (j'ai malheureusement perdu la page !) où Abécassis semble regretter le temps où les femmes se laissaient entretenir par les hommes… On répartissait mieux les tâches, et les femmes étaient moins crevées. Fabuleux pour une féministe !

Mais il est vrai que les femmes ont toutes devant elles de fabuleuses carrières passionnantes ! (ministre, chanteuse ou technicienne de surface, même combat !) Elles sont toutes très ambitieuses ! Il est donc hors de question de sacrifier tout ça pour un enfant !

Bref, ce roman m'a singulièrement insupportée par tout son lot de jérémiades et de lamentations sur ces pauvres femmes victimes de leur corps, dont la vie est sacrifiée sur l'autel de la maternité…  En quatrième de couverture, j'ai lu qu'Abécassis brisait, dans ce livre, le tabou sacré de la maternité. Je ne vois pas en quoi ! Elle ne fait que répandre les imbécilités féministes qui fait qu'on ne sait plus trop si être une femme aujourd'hui, c'est avoir eu 36 partenaires différents, travailler, être mère, avoir les cheveux courts ou longs, se maquiller ou non, mettre des jupes ou des pantalons, des slips petit bateau ou des strings en dentelle noire, divorcer 3 fois dans sa vie…. Et puis alors, finalement, on décide qu'être une femme, c'est faire tout ça à la fois ! Autant dire que c'est gérer l'ingérable. Je suis désolée, mais je ne suis pas convaincue que ce genre d'idéologie soit libératrice pour les femmes : elle leur impose de nouveaux carcans qui les rendent plus malheureuses qu'autre chose… Une femme libre, c'est une femme capable de faire ses propres choix, en son âme et conscience…. Et de les assumer, ensuite ! Et qui dit choisir, dit aussi renoncer…

Pour conclure, je dirai qu'un heureux événement est un roman profondément immature, qui voit l'arrivée d'un enfant comme une mise à sac de la vie de couple qui n'est plus ce qu'elle était « comme du temps où on se grimpait dessus tous les jours ! » Il est fort dommage qu'il n'y ait, dans ce livre, aucune réflexion sur le rôle de parent… sur la place de l'homme dans l'éducation d'un enfant…

Certes, Abécassis a écrit de très belles pages sur l'amour pour un homme, pour un enfant… mais ces pages jurent singulièrement avec le reste du roman qui pue l'égoïsme d'une vision centrée sur la femme, exclusivement… Alors, oui, on se demande vraiment pourquoi, lorsqu'on avance dans la vie avec de telles idées, on prend la décision de faire un enfant.  



15/02/2010
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