LECTURES VAGABONDES

LECTURES VAGABONDES

David Foenkinos : la tête de l’emploi /Mauvaise tête.

          Je ne sais pas trop quelle tête faire à ce roman de David Foenkinos paru 2014 aux éditions J’ai lu et intitulé : la tête de l’emploi. La tête au carré ? La boule à zéro ? Il est vrai que ce roman m’a singulièrement déçue et que je l’ai trouvé, globalement, mauvais.

 

          Bernard a 50 ans et jusqu’ici, tout va bien. Il a un confortable emploi de banquier, son couple ronronne un peu trop, mais notre héros ne s’en plaint pas. Il est heureux ainsi. Certes, le départ d’Alice, sa fille, l’attriste : la jeune fille va voler de ses propres ailes et Bernard se sent un peu vieillir. Un jour, le patron de la banque où il travaille lui demande de faire un effort (c’est la crise) et de reprendre des fonctions de guichetier en plus de son travail de conseiller. Et comme un malheur ne vient jamais seul, sa femme, Nathalie, le quitte… ou du moins, souhaite mettre un peu de distances entre eux. Très vite, Bernard découvre que sa femme le trompe et que leur couple n’a que peu de chances de survivre à cette nouvelle histoire. Enfin, les clients de Bernard se méfient d’un conseiller qu’ils rencontrent, par ailleurs, au guichet. Sa réputation en pâtit et… voilà que le dernier coup dur tombe sur la tête du malheureux : il est licencié. Alors, Bernard retourne vivre chez ses parents, un couple plan-plan qu’il dérange plus ou moins. C’est alors que notre héros commence à subir toutes les galères classiques du chômeur : ses amis se détournent de lui, il n’ose parler de sa situation à personne, il ne décroche aucun entretien d’embauche. Un jour, ses parents lui présentent Sylvie, jeune femme qui se trouve dans la même situation que lui. Tout avait pourtant mal commencé entre eux ! Mais voilà que l’amour pointe son nez. Bernard et Sylvie ne tardent pas à vivre  ensemble, et reprennent et modernisent la quincaillerie des parents de Sylvie. Cependant, un jour, la jeune femme décide de retourner auprès de son mari. Désormais, Bernard est retombé sur ses pattes et il se sent d’attaque pour continuer une vie en laquelle il a désormais confiance.

 

          Que dire de la tête de l’emploi ? Que c’est un roman bâclé ? Qui manque cruellement d’inspiration ? Un roman écrit sans passion, juste parce qu’il faut bien manger ? Quelle tristesse pour David Foenkinos, écrivain pourtant prometteur, de prendre ce chemin-là !

          Il semble bien que pour écrire La tête de l’emploi, l’auteur a puisé ses idées, non pas dans l’inspiration créative, mais dans deux romans qu’il a précédemment écrits. Je vais mieux (roman qui déjà, laissait à désirer) pour le personnage looser aux prises avec des difficultés au niveau de son emploi, mais aussi au niveau de son couple, et Bernard, sorte de nouvelle dans laquelle le personnage éponyme vit toujours chez ses parents. On mélange le tout, et ça donne un cocktail pas terrible du tout, d’une platitude et d’un ennui auxquels David Foenkinos ne nous avait pas habitués.

          Tout d’abord, les intrigues sentimentales fonctionnent plutôt mal. En effet, lorsque son épouse, Nathalie le quitte, Bernard vit très mal la séparation. Le lecteur a droit alors à de grands laïus sur la force de l’amour vécu au quotidien pendant des années et qu’on ne peut concevoir sa vie sans l’autre qui nous accompagne depuis si longtemps qu’il est presque devenu une partie de nous. Pourtant, très vite, Bernard tombe amoureux de Sylvie et cet amour balaye d’un seul coup le passé. Où a donc filé la nécessaire période de deuil inhérente à toute rupture d’envergure ? Sans doute dans les limbes d’un autre roman – peut-être La délicatesse – roman qui a déjà épuisé le thème. Par ailleurs, on peine à croire à la nouvelle histoire d’amour entre Bernard et Sylvie. Les deux jeunes gens sont présentés l’un à l’autre par leurs parents respectifs et n’ont aucune envie de se rencontrer. Aussi, le repas se déroule mal. Sylvie n’est pas belle, c’est une deuxième main, elle vit encore chez ses parents… et Bernard n’a certes pas envie de s’acoquiner avec un alter ego aussi ennuyeux que lui. Alors, le repas se termine par une crise au cours de laquelle notre héros va jusqu’à insulter Sylvie. Et puis, lorsqu’ils se retrouvent dans un café, quelques minutes plus tard, la magie de l’amour opère… Je sais bien qu’en amour, tout est possible, mais quand même ! Enfin, après quelques mois de liaison torride, Sylvie retourne avec un mari dont elle avait fait le deuil, qui l’a trompée et quittée… à ce stade du roman, le lecteur, épuisé par tant d’invraisemblances, a depuis longtemps jeté l’éponge et finit par se dire : « Pourquoi pas ».

          Par ailleurs, David Foenkinos, dans La tête de l’emploi, ne cherche pas vraiment à se livrer à l’introspection, entreprise qui, peut-être, se révèlerait périlleuse, vu l’invraisemblance des sentiments qui agitent les personnages. Alors, pour combler les défaillances de l’ensemble, le lecteur doit se farcir une tripotée de scènes que l’auteur veut burlesques mais qui sont, en réalité, très peu drôles. Par exemple, pour ne pas révéler à sa fille qu’il est au chômage, Bernard lui fait croire qu’il est à Poitiers. Mais la jeune fille a reconnu la maison de ses grands-parents, vu qu’elle communique avec son père par webcam. Or, il se trouve que la jeune fille se trouve dans la pièce à côté ! Hilarant, vraiment ! Autre exemple : afin de moderniser la quincaillerie de ses parents, Sylvie décide d’ouvrir une section sex-toys. Alors, lorsque les parents de Bernard découvrent l’endroit… c’est la crise ! Houlàlà ! Quelle drôlerie ! De ce type de scènes bouffonnes, poussives et pitoyables, le roman regorge.

          Mais coupons-là ! Inutile d’assassiner davantage ce roman qui n’a en aucune façon la tête de l’emploi d’un bon roman, mais dont on a plutôt envie de dire qu’il est bête comme des pieds. Allons donc, David ! Il est temps, désormais, de se renouveler, de trouver d’autres sujets du roman… car les petites comédies sentimentales de personnages en crise, il me semble que vous en avez fait le tour. Le lecteur, en tout cas, commence à en être fatigué, et vous aussi, je crois.

 



19/11/2018
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