LECTURES VAGABONDES

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David Foenkinos : Célibataires


Je connais déjà (et admire beaucoup) David Foenkinos le romancier talentueux. J'ai voulu découvrir le dramaturge à travers la seule pièce qu'il ait écrite pour l'instant et qui s'intitule : Célibataires, parue en 2008.

L'œuvre est très courte (7 scènes) et assez minimaliste : deux personnages et presque un seul lieu : le bureau d'une agence matrimoniale.

Le thème de la pièce n'est pas très original : un homme et une femme, tous deux célibataires, découvrent progressivement l'attirance qu'ils éprouvent l'un pour l'autre et ont du mal à se le dire. Cependant, David Foenkinos a su traiter l'ensemble avec malice, en jouant sur une sorte de mise en abyme des personnages dans leur contexte professionnel, l'agence matrimoniale : nos deux célibataires s'occupent effectivement, toute la journée, des problèmes affectifs d'une flopée d'autres célibataires. Mais les agences virtuelles du type « meetic.fr » ruinent complètement les officines classiques et traditionnelles, ce qui permet à notre petit couple de célibataires, de plus en plus désœuvré au niveau professionnel, de se révéler amoureusement.

J'ai sans doute passé un  bon moment à lire cette pièce qui ne m'a toutefois guère révolutionnée. Les dialogues sont assez vifs, et traduisent bien…. peut-être un peu trop…. les conversations du quotidien entre collègues de bureau…. Si bien que parfois, j'ai plutôt eu l'impression de lire une succession de sketches du style Palmade-Laroque dans « Ils s'aiment ». L'ensemble manque sans doute de véritable théâtralité et de profondeur au niveau des personnages, mais aussi du thème abordé : la difficulté de dire à celui/celle qu'on aime : « je t'aime ».

Ceci dit, on retrouve ça et là, l'humour de Foenkinos, mais de manière nettement moins incisive que dans ses romans, et assez souvent gratuite : un humour balancé parce qu'il le faut et basé quasiment exclusivement sur l'incongru : par exemple, c'est ainsi que Michel explique à Sylvie sa rupture avec son ex : Isabelle.

Michel : (….) En fait, elle imitait les grenouilles. Ca lui prenait presque tous les soirs comme ça, elle faisait des croâ-croâ dans le lit.

Sylvie : des croâ-croâ ?

Michel : oui des croââ-croââ… et franchement, ça me dégoûtait. Je n'ai jamais eu envie de coucher avec une grenouille.

Sylvie (essayant de ne pas rire) Et…. Donc…. C'est pour ça que votre histoire s'est terminée ?

Sylvie : oui : en quelque sorte. Je lui ai dit que je n'en pouvais plus. Elle s'est énervée en me traitant de tyran, qu'elle ne pouvait rien faire, et que les autres hommes avant moi adoraient quand elle faisait la grenouille.

Je tiens quand même à relever la scène 6 que j'ai trouvée érotique et assez émoustillante, pour tout dire.

Nous sommes dans le noir total, chez Michel, et nos deux célibataires se rapprochent dangereusement autour d'un verre ; ils badinent et échangent de petites plaisanteries destinées à  détendre l'atmosphère et à masquer le véritable enjeu du moment : l'expression de leur désir.  

Sylvie : (…) Il est très bon ton vin… il est très bon, et il donne chaud… je vais me déshabiller un peu, si ça ne te dérange pas…

Michel : Non, pas de problème. Tu peux même te mettre toute nue. C'est aussi l'avantage d'être dans le noir. Il n'y a aucune différence entre les deux. Tiens, par exemple, moi ça fait deux minutes que je suis tout nu et tu n'as rien remarqué ?

Sylvie : quoi, tu es tout nu ?

Michel : oui, regarde… enfin touche, si tu veux vérifier.

Sylvie : oh c'est fou ça… c'est incroyable… et c'est… c'est doux… tu as la peau douce, Michel.. Quelle peau douce….

Michel : c'est vrai, tu trouves ? Et toi, tu as la main si.. pleine de doigts.. je veux dire que je sens tes cinq doigts, un par un, et ils sont mes amis… et j'aime leur mouvement, ils savent parfaitement me parler… oh !.... oui….ici, oh… oui, il sont bien tes doigts ici, je voudrais qu'ils vivent et meurent ici…

L'exploration des corps ainsi verbalisée a un côté plutôt torride, non ? Il faut s'imaginer la scène vivante…  Je trouve ça très érotique. Même si peut-être, dans la réalité, il faut ouvrir les rideaux et laisser entrer la lumière !!! Décidément, David est un écrivain très… fantasmatique… J'adore ! Surtout si je m'y retrouve aussi un peu !

David Foenkinos nous offre ainsi une pièce divertissante, et légère, mais qui gagnerait beaucoup à être davantage développée (là ! c'est sûr), fouillée, et surtout nuancée ! Un peu de gravité est nécessaire à la densité des personnages et au thème abordé. La dualité de l'écriture comico-tragique que Foenkinos maîtrise parfaitement dans ses romans m'a paru singulièrement absente de cette pièce. Quel dommage ! Mais fichtre… j'ai plein de romans  de Foenkinos qui m'attendent, éparpillés sur mon lit… Car c'est là que j'aime le lire !!! Ce sacré David !  



05/06/2009
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