LECTURES VAGABONDES

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Chow Ching Lie : Le palanquin des larmes/Avec le sourire !

          Cette semaine, nous prenons notre tapis volant et débarquons en Chine au moment d’un de ses plus violents tournants politique.s et social ; dans les années 50-60, entre le système capitaliste et le système communiste, la Chine balance et bascule. Cette semaine, nous allons donc nous laisser guider par la pianiste chinoise Chow Ching Lie qui nous offre sa biographie intitulée Le palanquin des larmes, biographie parue en 1975 aux éditions Robert Laffont.

 

           De sa naissance, en 1936, à son départ de Chine en 1965, Chow Ching Lie nous raconte sa vie et la dure condition des femmes chinoises dans un pays en pleine mutation et en plein bouleversement. Née dans une famille à l’origine pauvre, avec cependant un père qui fera des études dans une université à l’américaine, Chow Ching Lie est une petite fille plutôt heureuse, entourée d’amour. Cependant, elle sera mariée sans son consentement à une homme riche, mais de santé fragile : Liu Yu Wang. De cette union naitront deux enfants : Paul et Juliette. Entre Shanghai, Hong Kong et Pékin, la vie de Chow Ching Lie n’est pas de tout repos : exil de la famille de son mari capitaliste, persécution de son frère considéré comme droitiste, persécutions familiales – entre la belle-mère jalouse de l’attachement de son fils à sa bru et la jalousie de plusieurs belles-sœurs – mauvaise santé d’un mari qui décèdera au début des années 60. Devenue veuve, Chow Ching Lie qui avait fini par s’attacher à son mari, veut lui rester fidèle alors que Fong, son beau-frère, tombe amoureux d’elle et la viole, puis la harcèle. Chow Ching Lie, pianiste de talent, a l’opportunité de partir vivre une carrière florissante en France. C’est ainsi qu’elle échappe aux démons de sa Chine natale, mais certes pas sans larmes.

 

          Le palanquin des larmes est un roman totalement fabuleux. Nous suivons le rythme du récit imprimé par la narratrice qui est aussi l’auteure du roman – il s’agit d’une biographie. Sa manière de raconter les événements de sa vie n’est pas sans rappeler celle des grands conteurs du XVIIIème siècle, comme Jean-Jacques Rousseau dans les confessions, ou encore Marianne dans La vie de Marianne de Marivaux. Elle navigue avec aisance dans les divers moments de sa vie, ayant recours à la prolepse ou à l’analepse pour mieux mettre en lumière et en perspective les différents éléments racontés. Par ailleurs, elle sait aussi faire part de ses états d’âme de jeune fille qui ne sont jamais loin de ceux qu’elle éprouve lorsqu’elle écrit.

          Mais Le palanquin des larmes, c’est aussi un roman sur les femmes dans l’ancienne Chine qui perdure jusqu’à l’arrivée de Mao-Tsé-toung. Autant dire qu’elles n’ont aucune liberté. Les mariages sont arrangés et ce, dès le plus jeune âge ; si Chow Ching Lie a 13 ans lorsqu’elle est fiancée à Liu YU Wang, il est des cas où les enfants sont promis à leur époux (se) dès leur naissance. Une fois mariée, la femme tombe sous l’autorité de sa belle-famille et notamment celle de la belle-mère qui n’est pas souvent bien tendre. Pour toute chose, elle doit demander une autorisation à son mari ou à la famille de celui-ci. Par ailleurs, Chow Ching Lie aura aussi à subir l’acrimonie et la jalousie de deux de ses belles-sœurs. La seule et unique gloire de la femme chinoise, c’est de mettre au monde un fils. Par ailleurs, Chow Ching Lie détaille avec précision la cérémonie et la fête de son mariage : tout y est pénible : rester debout dans des chaussures inconfortables, changer trente six fois de robe, lever le coude avec chacun au risque d’être ivre mort, supporter les propos salaces des uns et des autres…

          Enfin, Le palanquin des larmes, c’est aussi un roman qui capte la mutation de la Chine entre Chang-Kai-Check et Mao-Tsé-toung, entre le système capitaliste et le système communiste. Certes, Chow Ching Lie insiste beaucoup sur la liberté nouvelle donnée aux femmes par le régime communiste. Mais elle n’oublie pas d’évoquer aussi les changements politiques et sociaux. Si dans un premier temps, ls choses s’améliorent et deviennent plus justes sous Mao, à la fin des années 50, la censure se durcit tandis que le « bond en avant » est un échec. Des intellectuels se retrouvent à travailler à la campagne ; il s’agit de leur laver le cerveau, de les redresser. Le frère de Chow Ching Lie, communiste de la première heure, se retrouvera à travailler dans une campagne éloignée de Shanghai.

          Alors vraiment, il est fortement conseillé de se laisser porter par ce fabuleux palanquin qui a donné à Chow Ching Lie tant de larmes ! Car le lecteur, de son côté, n’y trouvera que de la joie et du bonheur.

 



21/01/2019
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