Ayelet Gundar-Goshen : La menteuse et la ville / Mensonges sans conséquences
Qui n’a jamais menti ? La vie est ainsi faite : un mélange de vérité et de mensonge. Ayelet Gundar-Goshen explore heureusement cette thématique dans ce roman - intitulé La menteuse et la ville – qui paraît en 2019 aux éditions Presses de la Cité.
La jeune Nymphéa, lycéenne, travaille chez un glacier pour se faire un peu d’argent. Un jour, elle se fait agresser verbalement par une ancienne gloire de la chanson : Avishaï Milner. Blessée, la jeune fille accuse le chanteur d’agression sexuelle. Certes, il s’agit là d’un mensonge, mais ce dernier lui permet de devenir célèbre car les télévisions s’arrachent son témoignage. Cependant, un jeune garçon, Léo Maimon, a été témoin de l’altercation et fait chanter la jeune fille : elle devient sa petite amie en échange de son silence. Très vite, les deux adolescents tombent amoureux l’un de l’autre. Mais le mensonge qu’elle a proféré à l’encontre d’Avishaï Milner la torture d’autant plus que ce dernier a fait une tentative de suicide. Un jour, Nymphéa participe à un voyage en Pologne, dont le but est de visiter les camps de la Shoah. Là, elle rencontre Raymonde… qui ment, elle aussi. Elle a, en effet, pris l’identité de son amie récemment décédée : Rivka. Elle qui n’a jamais été déportée, se voit contrainte de témoigner des horreurs de la Shoah – Rivka en fut victime – auprès des adolescents qui participent au voyage. La vieille dame s’acquitte de son rôle à la perfection et devient très populaire. Nymphéa se rapproche d’elle et, lorsqu’elle sera rentrée en Israël, viendra la voir pour se délivrer de son mensonge. Raymonde ordonne à Nymphéa de révéler la vérité : on ne peut laisser un homme aller en prison pour une faute qu’il n’a pas commise. Cependant, la vieille dame ne révèle pas à Nymphéa le mensonge dans lequel elle est empêtrée. C’est à Arélé, à un veuf rencontré lors de son voyage en Pologne, et dont elle tombe amoureuse, qu’elle fera la confidence ; aussitôt dit, aussitôt pardonné. D’autre part, Maya, la très jolie sœur de Nymphéa, découvre dans le journal intime de cette dernière, l’aveu du mensonge proféré à l’encontre d’Avishaï Milner. Dans un premier temps, elle garde le silence avant de tout révéler à leur mère. Cependant, Nymphéa parvient à donner le change : elle rédige un roman dans lequel l’héroïne révèle un mensonge et fait ainsi croire à sa mère qu’entre Maya et elle, il s’agit d’un malentendu. Finalement, sur les conseils de Léo, elle révélera quand même la vérité.
Avec La menteuse et la ville, Ayelet Gundar-Goshen signe un roman sur le thème assez galvaudé du mensonge. Elle évoque la manière dont il s’accapare des êtres, au point qu’ils ne peuvent plus s’en dépêtrer. Parfois, il fait même boule de neige, un mensonge en appelant un autre. Lorsque Nymphéa accuse Avishaï Milner de l’avoir sexuellement agressée, et que sa mère apprend qu’il s’agit d’un mensonge – la preuve ? C’est écrit dans son journal intime - elle fabrique en un claquement de doigts un roman dans lequel il est question de rétablir la vérité et de dissiper un mensonge. Nouveau mensonge destiné à préserver le premier. Ainsi, l’engrenage infernal se poursuit et finalement, Nymphéa rétablit la vérité. Entre temps, elle aura découvert son talent d’écrivain.
Car le mensonge, n’est-ce pas la base de travail d’un écrivain ? Nous appelons cela « fiction », mais il s’agit bien, dans un roman, d’inventer une histoire et de donner vie à des personnages qui n’existent pas. Le principe est le même que celui du mensonge.
D’ailleurs, le mensonge n’est pas condamné par Ayelet Gundar-Goshen. Il apporte une note positive dans l’existence de ceux qui le profèrent. Ainsi, Nymphéa, jeune fille plutôt rondelette, complexée par son physique, n’est pas franchement populaire dans son lycée. Mais après être passée à la télévision suite à l’accusation de tentative de viol proférée à l’encontre d’Avishaï Milner, elle a la côte auprès de ses camarades : elle découvre la popularité ; elle adore faire l’objet d’une admiration inconditionnelle et damer le pion à sa sœur Maya qui, auparavant, remportait tous les suffrages.
Quant à Raymonde, elle devient, elle aussi, populaire lorsqu’elle se fait passer pour Rivka, son amie décédée qui a connu l’horreur des camps. Elle s’invente un passé de martyre qui attire sur elle l’attention de jeunes adolescents qui, autrement, n’auraient même pas daigné lui jeter un seul regard. En outre, pour Nymphéa comme pour Raymonde, le mensonge permet de trouver ou de retrouver l’amour.
Enfin, on est touché par le personnage de Nymphéa, cette jeune fille mal dans sa peau, qu’on n’arrive pas à haïr malgré ses mensonges. Le plus détestable, dans le roman, c’est bien le pourtant innocent Avishaï Milner. Si elle aime sa sœur, elle est toutefois en rivalité avec elle. Il faut dire que Maya est tellement belle que Léo Maimon fait croire à ses copains qu’il sort avec elle. La pauvre Nymphéa finira par lui pardonner ce mensonge.
Ainsi, on le voit bien Nymphéa n’est pas la seule menteuse de La menteuse et la ville. Bien loin de se cantonner à la morale qui affirme que « mentir, c’est pas bien », Ayelet Gundar-Goshen tente d’aller plus loin. Certes, on ne peut pas dire qu’elle y parvient brillamment ; il faut dire qu’elle manque du cynisme nécessaire lorsqu’il s’agit de traiter du thème du mensonge. Elle termine sur une happy-end où le mensonge est effacé, la vérité rétablie et les personnages, heureux. Aucune séquelle – qui aurait pu résulter du mensonge - n’est à déplorer dans la vie de nos personnages.
La menteuse et la ville, c’est donc un roman assez inoffensif mais malgré tout attachant, sur le thème du mensonge.
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