Amélie Sarn : Resurrectio/De l’intérêt de cette résurrection
Une fois n’est pas coutume, je vous emmène aujourd’hui dans un roman de science-fiction. Certes, le sujet n’est pas original puisqu’il se situe dans le prolongement du Frankenstein que l’écrivaine Mary Shelley a créé. Resurrectio est écrit par Amélie Sarn et paraît en 2014 aux éditons du Seuil.
Nous sommes à Genève et c’est dans un laboratoire lugubre et froid que se réveille la jeune Marie. Celle-ci est totalement sous la coupe de Victor, le médecin qui lui a sauvé la vie - dit-il. Il est vrai que Marie porte d’horribles cicatrices sur tout le corps. Soumise quotidiennement à toute une batterie d’examens, Marie rêve de voir l’extérieur. Victor finit par céder à l’insistance de l’adolescente et accepte qu’elle aille au lycée. Là, elle peine à se faire des amies et se réfugie dans la sombre bibliothèque où elle rencontre Liam, la coqueluche du lycée, un jeune homme doué en natation mais qui souhaiterait arrêter la compétition. Cette relation rend jalouse certaines filles du lycée, notamment Layla, Emilie et Charlotte. Cependant, Marie souffre de troubles psychologiques : elle est parfois violente – Charlotte en fera les frais lors d’une séance de sport ; elle fait parfois des malaises ; elle fait des rêves étranges où des jeunes filles trouvent la mort dans des conditions violentes ; mais surtout, elle perçoit une ombre qui annonce la mort : c’est ainsi qu’elle a la prémonition de la mort de Charlotte, lors d’une sortie scolaire. Elle tentera de la sauver, en vain : la jeune fille s’écrasera en bas d’une falaise. Désormais, la jeune fille est suspecte pour toutes les autres qui la persécutent. Elle trouve refuge auprès de Liam qui la protège et l’accueille au sein de sa famille notamment composée d’un petit frère autiste : Malo. Quant à Victor, le médecin qui soigne Marie, il est rattrapé par son passé. Autrefois, il travaillait pour Hydra, une mystérieuse multinationale. Lorsqu’il a commencé à travailler sur le projet « Marie » et qu’il s’est attaché à son sujet, il a fui. Mais voilà qu’un de ses collègues, Walter Hayes, le retrouve et lui annonce qu’il veut travailler avec lui. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’il est suivi par le patron de la multinationale Münde, et que ce dernier est prêt à tout pour s’accaparer de Marie. L’affaire tourne au drame : alors qu’il file Marie, un accident a lieu, tuant le petit Malo avec lequel la jeune fille se promenait. Dès lors, Liam la renvoie. De retour chez Victor, c’est là aussi, le drame. Münde veut Marie et affronte Victor. La jeune fille réussit à se réfugier dans le laboratoire du docteur et découvre dans les carnets de ce dernier le secret de ses origines. Comme Frankenstein, Marie est une créature fabriquée avec des morceaux d’autres jeunes femmes décédées ; de Lucia, Kereen, Maxine, Katy, Nubia… Victor a pris qui les mains, qui les jambes, qui la tête… et voilà que Marie est née. Une femme super puissante puisque Victor a pris chez les défuntes ce qu’elles avaient de meilleur, de plus performant. Dotée des mains d’une pianiste, Marie joue divinement bien du piano. Elle est puissante puisqu’elle possède les jambes d’une athlète. Mais revenons à nos moutons : Victor meurt en tentant de sauver Marie qui est enlevée par Münde. Désormais prisonnière chez Hydra, elle est l’objet de la fascination de Münde. De son côté, Liam se rend compte qu’il aime toujours Marie et qu’il veut la retrouver.
Resurrectio, c'est avant tout un roman pour teen-ager. L'univers qu'il déploie est digne de la série culte des années 90, Beverly Hills – pour ceux qui connaissent. Le roman développe une histoire de jalousie entre adolescentes qui passent leur temps à se crêper le chignon. Bien entendu, se greffe là-dessus la bluette incontournable des romans pour ados : Marie et Liam tombent amoureux. Bien entendu, également, Liam est le plus beau garçon du lycée et il est convoité par toutes les filles qui deviennent encore plus jalouses de Marie. Bref, très vite, à partir du moment où Marie entre au lycée, on perd l’intérêt de l’histoire fantastique qui inaugurait le roman. Pourtant en arrière-plan, on garde toujours à l'esprit que Marie, malgré ses efforts pour être une ado comme les autres, est fondamentalement différente ; des indices nous le rappellent constamment : Marie fait des malaises, elle a des visions, des cicatrices couvrent son corps...
Certes, on aurait aimé que l’aspect « Frankenstein » du personnage soit plus fouillé mais, malheureusement, c'est l’histoire d’ados qui l’emporte. Les rêves que fait Marie sont évoqués rapidement. Ils sont censés donner la clef pour comprendre ce qui est arrivé à Marie avant qu'elle ne se réveille dans le laboratoire de Victor, mais Amélie Sarn se contente d'accumuler ces derniers sans que rien n'avance dans l'exploration de son héroïne. Seule la promesse de Victor à Marie, promesse de lui révéler un jour tout ce qu'il sait de son passé, laisse au lecteur l'espoir d'en savoir plus sur ce qui l'intéresse vraiment depuis le début du roman. Mais ce n’est qu’à la fin du livre qu’est révélée d’un coup toute l’affaire. Resurrectio, c'est donc un roman sans aucune originalité, qui se fourvoie dans l'inintéressant après avoir agité – pendant quelques pages seulement – le chiffon rouge du mystère.
Pourtant, finalement, Resurrectio n'est pas un roman déplaisant à lire. On y trouve des rebondissements, même si les situations sont prévisibles. Par exemple, on pressent que la multinationale Hydra va retrouver, un jour ou l'autre, la trace de Victor, puis que Victor, personnage devenu inutile au fil du roman – alors qu'il est au cœur du mystère - va trouver la mort en essayant de sauver Marie. Ce qui ne manque pas. Et puis, on s’attache au personnage de Marie, même si elle nous énerve aussi de par son côté mièvre. Certes, Marie est un personnage fort, doué de multiples talents, mais elle est aussi une pleurnicheuse lorsque trois filles du lycée s’en prennent à elle.
Bref, vous l'aurez compris, Resurrectio n'est pas un roman qui laissera un souvenir impérissable. Ressuscitons donc plutôt le Frankenstein de Mary Shelley !
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