LECTURES VAGABONDES

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Alexandre Dumas fils : La dame aux camélias/ On tresse des lauriers à Marguerite

           

    La dame aux camélias, chef d’œuvre impérissable qui a donné lieu à un somptueux opéra signé Giuseppe Verdi : La Traviata. Mais on oublie souvent qu’il est avant tout un roman génial écrit par Alexandre Dumas fils et publié en 1848.

 

                Le narrateur vient d’apprendre la mort de Marguerite Gautier, sorte de cocotte parisienne entretenue par ses riches amants. Il fait la connaissance d’un de ses jeunes amants, Armand Duval et se lie d’amitié avec ce dernier qui lui raconte alors ses amours malheureuses avec Marguerite. Armand rencontre cette dernière à l’opéra et tombe aussitôt amoureux d’elle. Cependant, la jeune femme est poitrinaire et « maîtresse platonique » d’un vieux duc qui la prend pour sa défunte fille. Malgré tout, Armand lui demande de devenir sa maîtresse, ce qu’elle accepte en lui faisant jurer de toujours se soumettre à sa volonté. Armand accepte toutes les conditions que Marguerite lui impose mais très vite il devient jaloux d’un certain comte de G. qui fréquente un peu trop la jeune femme. Furieux, et déchiré à l’idée de devoir partager les faveurs de Marguerite, Armand lui envoie une lettre de rupture. Cependant, le couple se réconcilie et décide de partir vivre à la campagne, à Bougival, près de Paris. S’ensuivent plusieurs mois de bonheur, assombris cependant par des problèmes d’argent car Marguerite a renoncé à sa vie de courtisane entretenue pour se consacrer entièrement à Armand. Un jour, le père d’Armand vient visiter son fils alors à Paris et lui enjoint de quitter Marguerite au nom de l’honneur familial, au nom de son avenir compromis par la fréquentation d’une prostituée. Armand s’y refuse. Mais le père d’Armand n’a pas dit son dernier mot et profite de l’absence d’Armand pour demande à Marguerite de quitter son fils pour assurer son bonheur à venir. La jeune femme accepte, rompt, et recommence à s’étourdir dans les fêtes et les mondanités parisiennes. Armand, jaloux et fou de douleur, décide de faire souffrir Marguerite et de se venger de ce qu’il croit être une trahison. Il prend une nouvelle maîtresse, Olympe, et s’affiche avec elle devant Marguerite. Désespérée et malade, celle-ci finit par se rendre au domicile de son ancien amant et le supplie de la laisser tranquille. S’ensuit une brève réconciliation avant une nouvelle crise de jalousie qui met définitivement fin à leur liaison. Marguerite part pour Londres tandis qu’Armand décide de voyager. C’est quand Marguerite est déjà morte qu’Armand récupère les lettres qu’elle lui a écrites avant de mourir et apprend le sacrifice qu’elle a consenti pour assurer son bonheur ainsi que le martyre de sa fin de vie. La jeune femme meurt de la tuberculose, comme une sainte.

 

                Avec La dame aux camélias, Alexandre Dumas fils signe un roman passionnant, rédigé dans un style et une écriture réjouissants, élégants et raffinés, dans la veine des romans du XIXème siècle, à la croisée des influences romantiques, classiques et réalistes.

                C’est d’abord l’influence romantique que je ressens lorsque je parcours les pages de La dame aux camélias. Armand exprime ses sentiments et détaille tous ses états d’âme avec délectation. Il évoque ainsi ses tourments amoureux, l’impétuosité de la passion qu’il éprouve pour Marguerite, la jalousie qui l’emporte lorsqu’il suppose sa maîtresse entre les bras d’un autre. Le caractère introspectif du roman est donc très nettement marqué.

                Par ailleurs, subissant l’influence du classicisme, le roman est aussi édifiant. Il a une portée moralisatrice et nombreux sont les discours et les arguments que s’échangent les personnages afin de soutenir à la fois des principes du code de l’honneur aristocratique (le respect des valeurs familiale, l’honneur du nom...) et ceux de la morale bourgeoise (vertu, ambition personnelle basée sur la droiture du comportement…). De manière générale, le roman montre que la vie dépravée ne peut apporter le bonheur et que c’est dans la vertu qu’on peut le conquérir. Il montre aussi qu’une âme pure peut se trouver dans un corps de courtisane. Enfin, la corruption semble bien être liée à la vie mondaine et urbaine ; c’est la vie rurale et simple qui apporterait le bonheur.

                De plus, le roman joue sans arrêt avec un modèle établi : Manon Lescaut de l’abbé Prévost. Les clins d’œil de Dumas envers ce roman qu’il apprécie sont multiples : la composition reprend la structure de l’enchâssement (le récit d’Armand s’enchâsse dans celui du narrateur qui rapporte l’histoire de ces malheureuses amours et de la mort de Marguerite). On retrouve aussi le thème de la courtisane qui inspire la passion à un jeune homme de bonne famille à l’avenir plein de promesses. Enfin, toutes deux meurent dans la fleur de l’âge. Cependant, si Marguerite est sanctifiée, Manon est davantage manipulatrice.

                Enfin, j’évoquerai succinctement l’influence réaliste qui caractérise aussi ce roman. L’aspect réaliste se situe dans le choix d’une héroïne issue d’un milieu dépravé : la cocotte ou la femme entretenue ou encore la courtisane. Quelques années plus tard, Zola portera haut la courtisane en signant le roman qui fera d’elle une star (dans sa grandeur et aussi dans sa décadence) : Nana. Même si cet aspect n’est pas au cœur du roman, on entre quand même dans l’appartement d’une courtisane du XIXème siècle et on y voit défiler de riches ducs et comtes.

                J’ai sans doute formulé un avis un peu trop technique, réservé aux initiés de la littérature. Pourtant, on peut apprécier ce roman sans rien connaître du contexte historique et des influences littéraires. Il a une portée universelle et raconte une bien belle histoire d’amour et de mort entre deux jeunes gens que tout oppose, que tout sépare. La camélia, fleur du printemps fragile, pure et éphémère, est l’emblème de Marguerite, autre fleur davantage vulgaire, celle que l’on effeuille pour savoir combien on aime. C’est ainsi que Marguerite devient, à la fin du roman, aussi pure et fragile qu’un camélia.



08/07/2024
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