Richard Price : Frères de sang / « Familles, je vous hais ! »
Si le soleil est bel et bien revenu en Drome provençale, les nuages s’amoncèlent côté lecture car il faut bien dire que je n’ai pas eu la main très heureuse lorsqu’elle s’est emparée de ce pénible roman : Frères de sang, écrit par Richard Price et paru aux éditions des presses de la cité en 2010 pour la traduction française.
Nous sommes dans le Bronx des années 70. Stony, 17 ans, arrive à l’âge où on doit choisir son avenir. A la maison, ce n’est pas la joie : entre un père indifférent, une mère acariâtre et un petit frère anorexique que Stony cherche à protéger d’une mère trop envahissante, notre héros se prend à rêver d’un avenir ailleurs.
Cependant, Tommy, le père de Stony, voudrait que son fils devienne électricien sur les chantiers, comme lui.
Un jour, Stony a l’occasion de travailler dans un hôpital, occasion qu’il saisit. Au départ, la tâche à effectuer ne l’enchante guère ! Il torche de vieux impotents au service gériatrie. Et puis, enfin, il est embauché au service pédiatrie, son rêve. Il aime les enfants et leur contact. Cependant, il a promis à son père d’effectuer un stage auprès de lui, sur les chantiers. Après réflexion, et à l’aune de ces deux expériences, Stony fera son choix : la famille est ce qu’il a de plus précieux et il se rend compte que c’est auprès des siens qu’il veut vivre.
Frères de sang pose la problématique de la famille et de l’envol. Comme le titre l’indique, les liens familiaux sont si forts qu’il est difficile de s’en extraire et d’ailleurs, peut-être, ce n’est pas possible ; peut-être, ce n’est pas souhaitable. Ainsi, lorsqu’il travaille à l’hôpital, Stony a l’impression de faire vraiment ce qu’il aime : être au contact d’enfants. Cependant, à travers cette activité, c’est son amour pour son frère anorexique qui ressort. Il finit par s’en rendre compte et se dit que ces enfants avec lesquels il travaille n’ont aucun lien de sang avec lui. Et puis, dans sa famille, il y a son oncle, Chubby, sur lequel il peut compter en cas de problème. Cependant, un jour, c’est Chubby qui péte les plombs et a besoin de Stony : c’est alors que le jeune homme comprend que sa place est dans la famille, au plus proche d’elle : il veut en devenir un pilier et évoluer dans le même milieu que ceux qu’il a toujours connus. Et ce milieu, ce n’est pas celui de l’hôpital.
Cette problématique classique et d’habitude intéressante du roman d’apprentissage, est néanmoins très mal appréhendée par le roman de Price : Frères de sang. En effet, l’auteur se complait dans l’évocation de scènes qu’il présente comme banales – donc, selon moi, inintéressante à lire car ce que Price entend par banalité se traduit par une platitude extrême de l’ensemble du livre - mais qui sont en réalité surtout redondantes et stéréotypées.
A quoi s’attendre lorsqu’on pénètre dans le Bronx ? A de la castagne ? Il y en a. A des « mecs qui se prennent pour des gros durs » (mais qui sont surtout lourdingues !) ? Il y en a. A des gros mots ? Il n’y a que ça. A des histoires de « biture » et de « bar à putes » ? Allez… sur tous ces points, on est servi. Mis à part le passage amusant qui relate les tribulations de Stony au service gériatrie, on s’ennuie ferme chez les Frères de sang, suite navrante de scènes vulgaires et violentes, totalement dénuées d’intérêt.
Ajoutons à cela le fait que les personnages n’ont aucune envergure vraiment intéressante : ils n’existent qu’à travers des dialogues insipides et plats qui ne font ressortir aucun trait déterminant. D’ailleurs, on peut aussi comprendre ainsi le titre : puisque tous ces personnages sont « frères de sang », ils se ressemblent tous : bienvenue au pays du clonage de ploucs. Un passage au hasard :
« - Où il est, Bobby ?
- Par terre.
Butler se releva, épousseta son froc.
- Qu’est-ce que tu faisais par terre ?
- J’ai perdu une lentille.
Franck se pencha par-dessus le comptoir, regarda.
- Je me demandais si y avait pas quelqu’un allongé avec toi. »
Pour couronner le tout, bien évidemment, on évolue dans un univers exclusivement masculin, macho, où il est question de « putes », de « chattes », de « tringler », ce qui finit par insupporter la lectrice que je suis…
Bien loin de me plaindre de mes vacances dans la Drome, je suis néanmoins heureuse de m’évader du camping dans lequel je suis installée en raison de la faune qui le hante, faune dominée par quelques spécimens masculins accros à la bière, aux apéros bruyants agrémentés de discussions ma foi… pas très intellos… menées tambour battant entre les gros mots et les concours de pets. Si je fuis cette ambiance, ce n’est pas pour la retrouver dans mes lectures ! Basta ! Besoin d’air se fait sentir dans tous les domaines ! Vite ! Passons à autre chose !
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