LECTURES VAGABONDES

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P.G Wodehouse : « La citrouille a besoin de vous »

               A-t-on besoin de lire ce recueil de nouvelles signé P.G. Wodehouse – « La citrouille a besoin de vous » - paru en 1996 aux éditions Anatolia pour la traduction française ? Il est vrai que tout lecteur un peu curieux se doit de faire un détour par ce maître de l’humour british qu’est P.G. Wodehouse. Pour ma part, je ne poursuivrai pas ma petite escapade du côté de chez P.G. et je crois même que cette dernière aurait pu être abrégée sans trop de regrets.

                Le recueil « La citrouille a besoin de vous » est  composé de huit nouvelles fort étroitement liées entre elles puisque extrêmement répétitives, toutes composées des mêmes ingrédients et des mêmes ficelles. Nous sommes à Blandings, près de Londres, dans le château de Lord Emsworth, un comte pas très futé, surtout préoccupé par les différents concours agricoles qui couronnent une truie ou une citrouille. Cependant, Lord Emsworth doit supporter tout un tas de fâcheux qui perturbent par leurs problèmes sa naturelle propension à la tranquillité ; on notera donc, parmi les domestiques du château : McAllister, préposé à la citrouille géante, Beach, le majordome toujours démissionnaire, ou encore George Cyril Wellbeloved, en charge de la fameuse truie : L’impératrice de Blandings ; dans la famille de Lord Emsworth, il y a le fils cadet de ce dernier : Freddie Treapwood, sa sœur : Constance, et toute une flopée de nièces noyées dans des problèmes de cœur. Tous ces personnages gravitent autour de Lord Emsworth et lui demandent toujours de les aider à résoudre leurs problèmes, ce qui débouche sur des situations cocasses, souvent fâcheuses pour notre héros, qui fait  de son mieux sans jamais être très efficace.

                Les personnages de ces huit nouvelles sont récurrents et offrent une peinture d’un petit monde aristocratique plutôt joyeux et heureux, mais cependant tendrement égratigné par l’auteur ; en effet, ce dernier se moque gentiment de leur esprit de caste qui se méfie, par exemple, des riches américains parvenus grâce au travail et aux affaires, ou encore de tous ceux qui ne sont pas issus d’une famille estimée… quoique, finalement, l’argent, personne, chez les Emsworth, ne crache dessus.

                Par ailleurs, P.G. Wodehouse, dans ces huit nouvelles, utilise sans cesse les mêmes ficelles de l’humour. La première est celle du comique de caractère. Prenez un vieux comte nonchalant et tranquille, maladroit et passionné par la culture des citrouilles et l’élevage des cochons, mélangez-le à des personnages beaucoup plus énervés comme la sœur, Constance, ou encore le fils, Freddy, cynique au possible et vous aurez déjà quelques scènes de disputes et de mésententes qui sont censées amuser le lecteur. Ensuite, on trouve, bien évidemment, le comique de situation : de manière assez répétitive, les nièces de Lord Emsworth sont souvent promises à un fiancé qui ne leur convient pas et sont amoureuses d’un autre jeune homme qui ne sied pas aux sœurs de notre héros. A partir de là, deux solutions possibles : soit le jeune homme de cœur finit par emporter l’adhésion de la famille Emsworth et le mariage est alors envisagé, soit ce dernier est un fichu imbécile et par bonheur, la fille Emsworth s’en rend compte et découvre que le fiancé prévu n’est pas si mal que ça. On admirera donc l’originalité de ces intrigues amoureuses dont le vaudeville ou autres comédies de boulevard nous rebattent les oreilles.

                Enfin, le ressort farcesque n’est pas oublié. Lord Emsworth est souvent amené à démêler des situations dont il n’a guère envie de se mêler et que sa maladresse embrouille plus qu’elle ne débrouille. Notre pauvre héros se retrouve donc souvent empêtré dans des positions grotesques et normalement comiques : sauf que, de ce comique-là, nous sommes abreuvés : le coup du vieux couard qui se retrouve juché sur un lit parce qu’un petit roquet risque de lui mordre les mollets, le coup du vieux maladroit qui se retrouve dans une cave à charbon parce qu’il s’est trompé de porte et qui en ressort tout noir, le coup du jeune blanc-bec un tantinet crâneur qui se prend un coup de fusil à pompe dans le derrière… Bref, tout ça est bien gentillet, ça amuse cinq minutes, mais quand on retrouve sans cesse les mêmes ingrédients d’une nouvelle à l’autre, on finit par avoir envie d’accélérer le pas.

                Reste que P.G. Wodehouse a un style et une voix particulière… là encore, très redondants. Ce sont toujours les mêmes choses qu’il met en exergue par de longues périphrases empruntées et très « humour british ». Sans arrêt, par exemple, P.G. Wodehouse insiste sur le QI inexistant de Lord Emsworth en ces termes ou dans d’autres approchants :

                           « Lord Emsworth se caressa le menton pour stimuler ses fonctions cérébrales, et fut vaguement agacé de sentir un obstacle gêner le passage de ses doigts. Concentrant toutes ses facultés, si médiocres fussent-elles, sur l’obstacle en question, il comprit qu’il s’agissait de sa barbe. »

                         De longs détours empruntés pour signifier une chose simple, voilà la méthode Wodehouse pour  amuser le lecteur : là encore, très répétitif.

                              Reste donc un ensemble de nouvelles assez plaisantes, mais qu’il ne faut pas lire à la suite car alors, on ressent une lassitude liée à la répétition des formulations à caractère humoristique façon P.G. Wodehouse, des personnages au caractère simplifié et peu fouillé où seuls quelques traits caricaturaux sont mis en exergue, des situations comiques stéréotypées, très classiques et fort peu variées. Cependant, l’œuvre, dans son ensemble est légère et joyeuse : sûr qu’à petite dose, elle détend et ensoleille un peu la journée. Cependant, ici, à Santorin, je suis servie en soleil ! Alors, je vais m’empresser de me plonger dans un livre un peu plus tourmenté et complexe, mais également un peu plus apte à rafraichir mes pauvres méninges ramollis par la chaleur et le doux ronron d’une lecture bien gentillette et beaucoup trop répétitive à mon goût. 



15/02/2014
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